La Crypte a 20 ans (automne 2021)
Death, thrash, grind core… sur Canal B, la Crypte raconte les musiques extrêmes de France et d’ailleurs. Peu d’interview, pas de temps mort… mais pendant près de 2h00, Damien et Lorène passent des morceaux peu (ou pas) représentés à la radio. Oui, du metal avec des accents parfois quasi « inaudibles »… et c’est tant mieux ! Il serait dommage de limiter l’écoute de cette musique brutale, anticonformiste et si diversifiée. Pari réussi ! Depuis 20 ans, la Crypte se fait l’écho de ces sons sombres et rageurs, un vendredi sur deux, entre 23h00 et 1h00.
Deux décennies… cette longévité, Lorène et Damien ne l’expliquent pas. Ils se rappellent du jour où ils ont proposé l’émission à la direction de Canal B. Ils se souviennent aussi des différents locaux qu’ils ont arpenté au fil des déménagements de la radio… mais cette musique, celle qu’ils écoutent depuis l’adolescence, reste le fil conducteur de leur aventure. Au gré des années, des idées ont germé, d’autres ont été abandonnées… mais peu de gros changements dans la façon de présenter. Pour le duo, pas question de recourir à l’enregistrement ou de modifier quoi que ce soit : tout se déroule sans filet, quitte à faire des « pains ». Une approche qui respire l’ère des radios libres : du direct, une playlist (piochée sur CD, vinyles et Internet) et surtout ce lâcher prise qui donne de la fluidité à leurs échanges. Les animateurs ne boudent pas pour autant les autres médias. Ils utilisent podcasts et réseaux sociaux, des outils ancrés dans le quotidien qui permettent d’étendre auditeurs et propositions musicales… La seule différence avec les pratiques d’aujourd’hui : personne ne verra les présentateurs de la Crypte s’adonner au jeu de la mise en scène. Sur leur page Facebook, des photos sont postées régulièrement… mais aucune d’eux… pas de vidéo non plus. Ils n’ont même pas encore communiqué officiellement sur les 20 ans de l’émission. Cet anniversaire, ils l’ont fêté en toute discrétion, à l’antenne : « oui, on fera quelque chose » avouent-ils en laissant pas mal de points de suspensions… « on a pas eu le temps mais on va y réfléchir » concluent-ils. Dévoués à leur musique, ils le sont… anticonformistes, sans doute un peu aussi.
La singularité. C’est ce qui résonne quand on parle de tout ce qui entoure la Crypte. Un truc qu’on retrouve dès le générique. Un montage « fait maison » diablement efficace qui mélange films d’horreur et metal. Et ce n’est pas un hasard… Un lien ténu existe entre ces deux approches artistiques : le genre horrifique (voire gore) se retrouve dans l’esthétique d’un bon nombre de musiques extrêmes… Un point qui fascine les présentateurs depuis un paquet d’années et qu’ils ont choisi d’aborder par la figure de Cthulhu dans la Crypte.
Après 487 émissions, Damien et Lorène ne regardent pas en arrière. Bien au contraire. Ils avancent, mènent leur propre route… mais toujours à la nuit tombée. Tard le soir, les bureaux sont vides et le direct n’est plus la norme mais… eux, ils continuent. Oh, il arrive que de nouveaux animateurs s’y essaient ! Et quand ça se produit, ils n’hésitent pas à donner un coup de main pour transmettre l’antenne : un moment délicat mais qui fait toute l’essence du live. Après tant d’années, ils ne sont pas blasés… parler musique autour d’une bière, échanger sur les films d’horreur et sur ce qui leur plaît à la radio… Oui, même 10 minutes avant la prise d’antenne, ils discutent en toute décontraction. Mais… il y a quand même cette petite zone d’inconfort qui traverse leur regard juste avant de brancher les micros… Un truc éphémère qui ressemble à ce que ressentent les musiciens avant de monter sur scène. Ah, l’appel du live ! Quand on y goûte, impossible d’y renoncer.
Caroline Vannier
Interview spécial 20 ans
1 – 20 ans, ça donne le vertige ?
Lorène : ça donne un coup de vieux !
Damien : l’émission n’était pas prévue pour durer si longtemps.
2 – Les débuts, ça ressemblait à quoi ?
Damien : c’est une idée de Lorène !
Lorène : ah non, on s’en fout !
Damien : mais si, c’est ton idée. C’est quand même important de le dire.
Lorène : il y avait un créneau qui était occupé depuis longtemps. Une émission qui s’appelait Pourceau 2012 Expérience animée par Cyril et plus tard (par et avec) Aymeric. Aymeric que je connaissais un peu m’a invité à Bruz (les locaux de Canal B de l’époque) : il continuait l’émission tout seul mais il envisageait de partir 1 an. J’ai alors contacté Yvan – feu l’ancien directeur de Canal B – pour proposer de reprendre le créneau en attendant. On a fait une maquette et ils nous ont dit qu’il valait mieux que Damien anime et que je gère la technique (rires).
Damien : quand Aymeric est revenu, on a fait notre émission en alternance avec la sienne.
Lorène : on faisait un vendredi sur deux et puis il a arrêté. On a récupéré le créneau toutes les semaines.
Damien : au Gast (locaux précédents de Canal B), on faisait toutes les semaines et après un certain nombre d’années, on est passé à tous les 15 jours.
Lorène : quand on passe toutes les semaines, il faut se renouveler ! Quand j’ai commencé à travailler chez Garmonbozia, j’étais moins disponible aussi.
Damien : avec un ami Gaël, on a aussi fait une émission qui s’appelait AZZ FUNK, qui a duré 3 ans à la place du créneau d’Aymeric.
Lorène : il faut peut-être qu’on parle du thème de l’émission non ?
Damien : oui, au début de la Crypte on a décidé de partir sur la tranche extrême du metal. On voulait proposer une émission dédié à un genre musical qui ne passait pas à la radio.
3 – Le direct, ça se prépare comment ?
Damien : c’est une émission qui se veut spontanée, sans filets. Quitte à faire des pains, on y va. Le fait de revenir tous les 15 jours met en place une forme de ritualisation aussi.
Lorène : il y a aussi le choix de la playlist. C’est plus Damien qui s’y colle.
Damin : oui, je prépare une playlist et Lorène peut ajouter ou retirer des morceaux juste avant de démarrer l’émission.
Lorène : on est de plus en plus flemmards ! Avant, on faisait des montages et on mettait des extraits de films avant de passer les morceaux.
Damien : c’est une émission qui se veut musicale et l’idée n’est pas de parler pendant 2h00.
4 – Une ou des émissions inoubliables ?
Lorène : tous les EUROGORETVISION ! C’était un peu l’Eurovision du metal. On invitait des potes qui jouaient les membres du jury.
Damien : ça fait longtemps qu’on a arrêté ! On diffusait un groupe par pays et on donnait des notes pour avoir un classement à la fin. C’était comme l’Eurovision mais avec un jury bien partial !
5 – Qui est à l’origine du générique ? A-t-il bougé en 20 ans ?
Lorène : c’est Damien !
Damien : c’est complètement artisanal. Au début c’était le morceau « Killer of Trolls » d’Impaled Nazarene. Plus tard, j’ai acheté un MD (Mini Disc) et j’ai commencé à faire des samples avec. J’ai ajouté un extrait de film d’horreur aussi. Le générique d’aujourd’hui est fait d’assemblages.
6 – Si je vous dis archéologie musicale ?
Damien : ah oui ! J’ai découvert le style en 1987 avec un gars qui écoutait ce style. Le mec portait une veste à patchs, des baskets à languettes et un jean slim. Et le jean slim, c’était pas franchement à la mode à l’époque ! Bref, le style de musique qu’il m’a fait découvrir m’a tout de suite intéressé. Moi, j’écoutais du thrash mais lui et ses potes, c’était carrément du death metal !
Lorène : j’ai découvert vers 17-18 ans. J’avais fugué cette nuit-là du côté des Horizons et le pote chez qui j’étais, écoutait le groupe Death.
Damien : dans cette musique, il y avait aussi les pochettes et cette calligraphie qui n’existait nulle part ailleurs.
7 – Par quels groupes commencer quand on veut écouter du death, du thrash et du grind crore ?
Lorène et Damien : pour le death, les groupes Death et Morbid Angel. Pour le thrash, Metallica et Slayer. Pour le grind core, Napalm death et Mortician, de la proto musique néandertalienne.
8 – Pendant la pandémie, avez-vous poursuivi l’émission ?
Damien : les locaux de Canal B étaient fermés. On a enregistré quand ils étaient ouverts mais il y en a eu très peu.
Lorène : on était pas en direct mais on faisait tout comme. On enregistrait l’émission d’une traite mais c’est pas pareil.
9 – Comment s’organise les interviews ?
Damien : je suis mauvais pour les interviews. Quand il y en a, c’est Lorène qui les fait.
Lorène : on ne démarche pas pour les interviews, on en a donc peu mais on ne cherche pas non plus à en avoir plus.
10 – Écoutez-vous d’autres émissions radio ?
Damien : oui, j’aime bien la radio. J’écoute Fip, par exemple.
Lorène : j’en écoute tous les jours. Je me lève et je mets France Inter. J’aime bien les émissions Affaires Sensibles et Ondelate Raconte.
Damien : j’aime beaucoup le cinéma aussi mais je passe plutôt par YouTube pour ces émissions.
11 – Selon vous, qu’est-ce qui fait la recette d’une bonne émission ?
Lorène : l’entente, la spontanéité…
Damien : l’authenticité, l’humour et une forme de fluidité.
12 – L’évolution de la scène metal en 20 ans ?
Damien : en France, il y a eu une démocratisation du metal. Il s’est popularisé grâce au Hellfest. Pour les musiciens, le changement de production au niveau technique, beaucoup plus qualitative. Avant ça, c’était très Do it yourself.
Lorène : aujourd’hui, même si les groupes ne sont pas professionnels (ne vivent pas de la scène), ils ont un manager, un tourneur… ils ont toute une équipe derrière eux. Aussi il y a pléthore de groupes aujourd’hui !
Damien : pas mal de styles qui avaient disparu réapparaissent aussi aujourd’hui.
13 – Un mot sur Cthulhu ?
Lorène : nous sommes Cosmicistes !
Damien : ce qui est caché, l’ésotérisme… On a voulu coller à l’un des thèmes qui est utilisé dans le metal, comme le gore, les zombies, le satanisme et le mythe de Cthulhu. Entre toutes ces images, on a préféré le mythe de Cthulhu.
14 – Un souhait pour les années à venir ?
Découvrir encore plein de groupes et continuer à prendre du plaisir à faire l’émission !
Sur le web :
https://www.facebook.com/LaCrypte666
http://www.canalb.fr/?fbclid=IwAR0CgbWIwgbr6QjWHnnPnwRyNqoBebg_OnSQpRlvO_iZqCcap0-Wn36vnCI