Simon, guitariste et compositeur chez Mantra (janvier 2023)
Sous ses faux airs de Tool, le groupe Mantra a su faire émerger un son Metal aux confins de l’expérimental. Un travail audacieux qui aboutit à des concept-albums aux accents chamaniques et métaphysiques. Cet aspect philosophique, les musiciens l’ont associé à une solide base harmonique : ils n’hésitent pas à jouer avec les hauteurs de notes et les temps pour façonner des morceaux qui frôlent parfois les 18 minutes. Simon Saint-Georges, guitariste et membre fondateur du groupe, est animé par cette volonté d’exploration. Chez lui comme chez ses camarades, la création n’a cessé de se muer en une quête d’ouverture et d’apprentissage.
« La dynamique humaine est très importante. On compose de façon collaborative. On se prend une semaine. On vit et on fait des sessions ensemble. On teste vraiment plein de choses. » Quand Simon évoque Mantra, il parle forcément de cette façon de travailler. Une méthode immersive, devenue essentielle, qui s’est développée au fur et à mesure du temps, au gré des contraintes de chacun. Rennes, Nantes, Paris… En dix ans, les quatre musiciens ont pas mal bougé ! Ils habitent dans des villes différentes et sont pris par un quotidien chargé : enfants, boulot, obligations… Par manque de temps, ils auraient pu se séparer mais ils n’ont jamais abandonné Mantra. Seul, l’un d’entre eux n’a pas pu poursuivre l’aventure. Sur ce coup-là, les kilomètres sont devenus un véritable frein : « oui, on a commencé avec Mathieu. Tout a démarré avec lui. C’était mon meilleur pote, il est parti vivre aux États-Unis », explique Simon. Depuis son départ, deux bassistes se sont succédé : Thomas (de novembre 2014 à mai 2020) puis Arthur. Les autres musiciens, eux, sont toujours présents. La distance – quand elle n’est pas insurmontable – n’est pas un problème. Mieux, le quatuor en fait un atout ! Les musiciens ont pris l’habitude de se retrouver dans la Creuse : un endroit à part, situé chez Pierre, le chanteur. Un lieu inspirant où ils se coupent du monde pour composer. Tout au long de l’interview, Simon n’aura de cesse de le répéter : « l’alchimie est primordiale, notamment entre moi et Gab (batterie), ça serait compliqué de faire autrement. » Pour Mantra, un groupe, c’est une force à l’unissons. Une vision de la musique commune qui transcende leur jeu sur scène. Pour le live, les musiciens ont repoussé leurs limites en s’ouvrant à d’autres formes d’arts… Depuis l’album Medium, ils sont officiellement accompagnés par Melvin Coppalle, un talentueux danseur de butô qui donne des airs de spectacle à leur concert. Hors du temps, poétique, tribal… leurs prestations ne laissent personne indifférent. En quelques années, Mantra est devenu un concept. Chez eux, la création induit une résonance… Elle interpelle.
Le musicien qu’est devenu Simon est né avec Mantra. Ce groupe lui offre une grande liberté d’expression mais il lui a aussi appris l’exigence. Chaque composition est pensée pour servir un fil conducteur que le quatuor a imaginé ensemble. Seul guitariste du groupe, Simon a une vision de son instrument très éloignée de celle des solistes : « ma guitare, je la mets au service du global. Je ne cherche pas à la mettre en avant ». Son jeu, il l’a développé en autodidacte. Il a découvert la gratte un peu par hasard, un été où il était « bloqué avec un genou en vrac ». Les premiers pas de l’adolescent sont hasardeux mais dès le départ, il cherche à créer : « aujourd’hui encore, c’est la composition qui m’intéresse. Encore plus que la scène. » Simon essaie, s’obstine et intègre de nouvelles pratiques. Aujourd’hui, sa maîtrise est indéniable mais il refuse que les prouesses techniques surpassent l’artistique : « dans le groupe, on s’intéresse tous à des choses complexes mais on a jamais voulu perdre en émotion. » Dans ses explorations, le guitariste s’adonne aussi à des projets solos : « dans Armunzen, je chante mais pas très bien. J’ai sorti deux albums que je ne diffuse pas. La musique est avant tout un moyen d’expression. » Pour aller plus loin, il utilise des outils MAO, une façon de comprendre et d’exploiter toutes les étapes de la création d’un album. Il avoue, d’ailleurs, avoir réalisé plusieurs arrangements pour Mantra. La musique l’intéresse à tous les niveaux mais il regrette de manquer de temps pour en écouter : « je ne le fais pas assez souvent. Quand je peux, j’aime bien le faire au casque, les yeux fermés. À vélo aussi. Sinon, sur la plateforme Spotify mais je reste très attaché à la notion d’album. » Leprous, Pink Floyd, les Doors… et Tool sont des références qu’il partage avec ses camarades : « Tool, on est quand même allés jusqu’en Autriche pour les voir en 2019. On est parti avec les 4 membres du groupe. Je ne le referai pas aujourd’hui, je ne prends plus l’avion pour des raisons écologiques mais ça reste un très bon souvenir. » Au gré des conversations, Simon fait part de projets futurs. La musique, il aimerait en faire son métier : « j’ai l’idée de m’y consacrer un jour complètement. J’aimerais proposer des ateliers d’écriture en musique et mettre mes compétences au service des autres. » Depuis 2014, il œuvre aussi en coulisses. Simon s’investit dans la programmation du festival les Lunatiques : « je participe à l’organisation. Je suis très sensibilisé au fait de prendre part à la scène de ma ville. On essaie de faire jouer des groupes qui ont une certaine esthétique. Les lumières et l’ambiance sont travaillées pour les mettre le mieux possible en valeur. »
Simon est guidé par la curiosité. Il a une soif d’apprentissage et un sens artistique qui le pousse à se dépasser. Mantra est un ancrage dans sa vie de musicien. Une base solide qui lui permet d’expérimenter sans retenue. La musique est un voyage immobile : Simon a ce pouvoir, celui de transporter n’importe qui dans cet univers qu’il a su créer. Avoir sa propre signature n’est pas donné à tout le monde. Bravo l’artiste.
Caroline Vannier
Sur le web :
https://www.facebook.com/mantramedium
https://mantrafr.com/?fbclid=IwAR1Qt9k15x_c3LLLh8cdB9ClXr25qTf56iYzrZFhmGg_UUVN6IZFodsms1Y
https://www.facebook.com/leslunatiquesfestival
https://armunzen.bandcamp.com/album/jai-d-j-commenc-mourir