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Des histoires qui se vivent

Henry Padovani

Henry Padovani

Rennes, jeudi 6 décembre 2018. Il est tôt mais les gens investissent déjà le Mondo Bizarro. Il faut dire que ce soir, Bruno a soigné sa prog. : il reçoit The Flying Padovanis, un groupe qui existe depuis 1981 et qui défend un son instru rock. C’est fluide, hors du temps… une musique avec une forte empreinte cinématographique qui pourrait s’inscrire sur la B.O. d’un film de Quentin Tarantino. Porté par une technique impeccable, Henry Padovani (The Police, Kim Wilde, Wayne County & the Electric Chairs…), Paul Slack (Uk Subs…) et Chris Musto (Kim Wilde, Nico, Joe Strummer, Glen Matlock, Johnny Thunders…) sont les dignes représentants d’un son qui ne vieillit pas. Ça sent le concert mémorable, non ? Oui, sauf que le batteur n’est pas présent. Sortant tout juste d’une opération, il est remplacé au pied levé par Thomas, un jeune musicien qui n’en revient toujours pas d’être là. Dans la loge, Henry Padovani discute à la cool. Guitare sur les genoux, il parle gratte avec les membres de Wolfoni qui assurent la première partie. L’ambiance est détendue. Pas de stress ici, la musique fait partie du quotidien. Pendant l’interview, Henry raconte tout : ses premiers années à Londres, sa rencontre avec Sting, son travail de producteur chez IRS Records… Beaucoup de franchise et de sagesse dans ses propos… et toujours les mots justes quand il cite ceux qui ont croisé sa route. Les musiciens, les amis… tout se mêle. Les gens avec qui il joue, il les connaît depuis presque quarante ans : une confiance totale qui fait toute la différence. Oui, le musicien excelle dans son art mais tout prend sens quand il donne la réplique à Paul, Chris… ou Sting. Aujourd’hui, moins de dix minutes avant d’entrer en scène, Henry déconne avec Paul, son complice de toujours. Profiter de l’instant présent, jouer devant un public qu’il ne connaît pas… Le live, il n’arrêtera jamais. Apprendre non plus. Se perfectionner encore et encore… Seuls les Grands ont cette volonté de peaufiner leur technique à l’infini. Affûter, faire mieux, aller au bout de sa passion… Un regard tourné vers l’avenir qui donne une bonne leçon d’humilité. Est-ce là le secret de son talent ?

Interview en solo

1 – Vous avez commencé la guitare à 14 ans, qui vous a inspiré ? Comment avez-vous commencé à jouer ?
J’étais en vacances chez ma grand-mère et je m’ennuyais. On était au lit à 21h tous les soirs. Je lisais un « Bonne soirée ». Tu connais ? Je fais non de la tête.
Dedans, il y avait un encart sur « Apprendre la musique sans peine ». J’ai essayé en jouant sur la guitare que m’avait offert mon oncle. Il avait dû me l’offrir à 9 ans mais je n’y avais jamais touché jusque là.

2 – Pourquoi être parti à Londres ? C’est la musique qui vous a attiré là-bas ?
J’ai rencontré un anglais qui m’a dit d’y aller, qu’il pouvait m’héberger. J’étais juste parti en vacances. Je devais y être pour 15 jours et j’y suis resté.

3 – Un souvenir marquant de cette époque ?
La première fois que je suis allé dans un club. À cette époque, j’avais les cheveux longs et une barbe : j’étais un hippie. Quand je suis entré, c’était le choc. Le lendemain, j’ai changé de look, j’ai tout rasé.

4 – The Police avait un côté plus rock, presque punk à ses débuts. Était-ce votre empreinte à
vous ou celle de Stewart Copeland ?
Stewart avait monté le groupe. À l’époque, il jouait dans un groupe progressif qui avait pas mal de succès et il savait exactement ce qu’il voulait. Avec The Police, il avait tout prévu et j’ai suivi. Il est allé chercher Sting qui voulait faire du jazz-rock mais à ce moment-là, il n’avait pas d’autres projets. Il nous a rejoint et ça a commencé comme ça.

5 – Vous avez été directeur et vice-président de IRS Records. Dans quels projets vous êtes-vous le plus investi ?
Henri : The Fleshtones, Concrete Blonde… Tout le monde a dit que j’avais signé REM mais c’est faux. Mais oui, IRS Records les a signé : on voulait vraiment que ça marche et c’est ce qui s’est passé.

6 – Que pensez-vous du paysage musical actuel ?
Aujourd’hui, j’écoute surtout des morceaux que j’ai envie d’étudier. En ce moment je travaille du JB Lenoir. Je n’ai jamais eu le temps de le faire et là, je le prends.

7 – Et en France ?
Je ne sais pas. Je ne connais plus. Avant, j’écoutais pas mal de groupes mais plus maintenant. J’ai quand même parfois de bonnes surprises : je suis tombé sur un groupe les Cinq Oreilles. Très bon !

8 – Un mot pour définir ce qu’est un bon musicien ?
Quelqu’un qui est bon à ce qu’il fait. John Lee Hooker, il ne fait qu’un seul accord mais qu’est-ce qu’il le fait bien ! Radiohead, par exemple. Ils sont très bons dans leur domaine mais je suis pas sûr qu’ils pourraient faire autre chose.

9 – Un événement marquant de votre carrière ?
Le prochain concert.

10 – Un mot sur le concert du 12 novembre 2016 au Bataclan, avec Sting ?
C’était un moment que je devais partager avec lui. Je crois qu’il voulait vraiment qu’on soit ensemble. Être là tous les deux. Dans le public, les gens avaient des portraits de ceux qu’ils ont perdu et Sting a su mettre une ambiance. Il a osé y aller, là où beaucoup ont refusé. La classe ! Oui, Sting a la classe !
Il s’arrête un moment et reprend.
Tu sais, avec mon fils, on devait aller au concert de The Eagles of Death Metal. Ce soir-là, j’ai préféré rester au chaud au coin du feu. Mon fils n’a pas bougé non plus.

11 – Quand on a vécu autant de vies, est-ce qu’on a encore des rêves à réaliser ?
Je fais beaucoup de concerts et j’ai encore envie d’en faire. Aujourd’hui, j’aspire à une vie tranquille avec ma compagne. Une vie simple.

Interview en duo

1 – Votre définition du rock ?
Henry : ce petit truc indéfinissable. Le style.
Paul : Henry.

2 – Depuis quand jouez-vous ensemble ?
Henry : 1981, 1982… Je crois que Paul a retrouvé une image d’archives…
Paul, le bassiste sort son portable et montre le visuel d’une vieille annonce. C’est celle à laquelle il a répondu quand il a intégré le groupe.
Paul : mars 1981.

3 – Le rock dans les années 80, c’était comment ?
Paul : c’était fou !

4 – Sans Cafés Concerts, pas de diversité musicale. Avez-vous un lieu de référence à nous faire partager ?
Henry : Chez Picolo (en Aveyron). Je pense à lui mais il y en a plein !

5 – Une rencontre qui a marqué l’histoire de votre groupe ?
Henry : Paul.

6 – Votre musique pourrait avoir sa place dans un film. Un film de Tarantino, par exemple. Vous êtes d’accord avec ça ?
Henry : complètement. Tu parles de Tarantino parce que tu es jeune mais avant, il y en avait beaucoup des groupes comme ça. Aujourd’hui, il n’y en a plus beaucoup. On est là pour faire vivre cette musique, montrer qu’elle existe. Et parfois, on est très étonnés… On est tombés sur un groupe – Les Infidèles – qui faisait des reprises de The Flying Padovanis.

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