« Bistrots, Rades et Comptoirs » (février 2017)
Faire un Road Trip, qui n’a jamais fait, ne peut savoir ! Un plaisir innocent et vivifiant ! Se lever tous les jours dans un endroit frais, neuf, qui on ne sait pourquoi, se casera dans une mémoire à l’habitude si défaillante… Confortable sensation pour un nomade à l’occidental, certes, il est plus facile de partir quand on sait que son chez-soi a un toit… migration du riche, migration du pauvre, l’un fonce vers le Sud pour découvrir quand l’autre monte vers le Nord pour survivre… Je m’égare : le propos, c’est l’âme du bistrot et pas n’importe lequel … celui de notre péninsule !!! Un bouquin « Bistrots, Rades et Comptoirs » tombé sous le sapin. Le sujet ? Deux gars de la Vilaine (Sylvain Bertrand et Yann Lestréhan) qui décident un projet, né dans des comptoirs rennais : faire le tour des bars, pas « hype », mais atypiques ou plutôt, les plus attachants de notre contrée. Un mois de pinte, de ballon de rouge, de shooter : ça c’est pour le côté sportif de la chose. L’autre qui va de soit, c’est ce qu’on découvre à travers ce récit accompagné de photos, une aventure humaine, des rencontres, une visite dans le quotidien d’une société de partages qui n’a pas besoin de se réinventer puisqu’elle n’a jamais cessé d’exister.
Le livre relate ces jours remplis d’ivresse émotionnelle Chez Jeanine, de « vibration patriotique » (bretonne bien sûr) au Saint Jakez, l’abri du Vent ou au Ty Elise, des blagues à l’Halte là, de l’altruisme de Lambert, de l’ouverture d’esprit du Refuge ou de chez Karim au Faouët… Chez Minouche, on comprend l’intérêt de lever la tête sans regarder le plafond et au Cap Sizun, on prendra un vin chaud à la Buvette … Ces brèves de comptoirs se succèdent dans une cacophonie réjouissante à travers des portraits, des visages de pays au-delà des clichés, des tranches de vie et des moments qui font du quotidien une jouissance de la vie ! Le début de la lecture débute par un sentiment de curiosité, puis progressivement on se forge la conviction qu’il est anormal de s’étonner tant le récit nous fait partager la convivialité dont chacun peut s’enrichir par la découverte de l’autre. Un véritable pied de nez à cet individualisme latent de notre société qui déserte ces lieux ! Devoir de mémoire : je pense aux bistrots du village de mon enfance, à l’époque, j’en recense huit, aujourd’hui je n’en vois plus que trois. Tout comme les raisons de ces disparitions… la vie qui se délite en campagne, la déesse Hygiena devenue reine et le rapport antinomique de l’ivresse et du volant. Le récit incite et séduit à l’idée d’un pèlerinage breton d’un genre « mauvais pour le foie » mais plutôt bon pour la foi en l’Homme. Habitué des bistrots rennais, mon empathie est inscrite dans mes gènes, je n’ai pas beaucoup d’esprit critique à l’égard de ce livre. Il m’aura permis de pointer un regard autre sur mon troquet de quartier. Peut-être qu’au lieu d’acheter mon journal ou mes clopes je prendrais le temps d’y boire un café ou qui sait… un ballon de vin rouge en pensant à mon aïeul, lui l’habitué du bistrot un peu trop vite parti pour m’enticher de plus amples souvenirs… N’hésitez pas à vous jeter sur ce livre ! Et vous en sortirez avec de belles convictions !
Benjamin Vannier