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Des histoires qui se vivent

Canal B fête ses 40 ans

Canal B fête ses 40 ans

Radios libres, fanzines, cafés-concerts… les années 1980 ont semé un vent de liberté dans le milieu culturel. Le Do it yourself (Faites-le vous même) a permis d’ouvrir une autre voie, celle de l’alternative. Et quel souffle ! Un paquet de passionnés ont pris la parole et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils ont fait bouger les lignes. Dans le domaine musical, ils ont favorisé l’émergence de groupes ignorés par les médias classiques. Indépendants, activistes, dénicheurs de talents… peu importe l’adjectif ou le nom qu’on leur attribue, ces acteurs de l’ombre sont allés au bout de leurs propos. En cassant les codes, ils sont devenus les pionniers d’un nouveau genre de traitement de l’information. Oui, mais qu’en est-il aujourd’hui ? À l’heure d’Internet et des réseaux sociaux, que sont devenus ces intermédiaires qui donnaient à réfléchir ?

À Rennes, il existe encore des irréductibles. Canal B est née en 1984 et 40 ans plus tard, elle est toujours là. Pirate. Oui, c’est de cette façon que l’histoire de cette radio associative débute. Pendant presque dix ans, sa fréquence a oscillé entre 87 et 104 MHz : loin des podcasts, il fallait jouer des potards pour la trouver. Dans ses toutes jeunes années, la radio démarre en club à la MJC de Bruz (le B de Canal B correspond à la première lettre de cette ville). À cette époque, elle n’émettait que le week-end mais elle a très vite élargi ses créneaux à la semaine entière (avant de passer à 24 h/24 h). En 1986, des recrues issues de Radio Savane (qui devient une franchise de Fun Radio cette même année) arrivent aux côtés des débutants. Des gens férus de musique qui galvanisent les troupes ! Avec eux, Canal B devient une référence punk rock comme le rappelle Yann Barbotin (programmateur musical et journaliste culturel à Canal B) : « à la fin des années 1980, on entendait Sonic Youth, les Pixies, un peu de Rap et de musiques Electroniques. À ce moment-là, à part dans les émissions de Bernard Lenoir sur France Inter, on n’entendait pas ces genres de musique à la radio » (réf. Corlab).

Une radio qui ouvre l’horizon… et qui n’hésite pas à s’investir hors les murs. La musique est au cœur des actions de Canal B. Un engagement porté par ceux qui ont participé à la faire connaître. Yvan Penvern est l’un d’entre eux. Il commence comme bénévole à la technique pour l’émission Les Grignou. Par la suite, il devient le premier salarié de la structure et en est nommé directeur jusqu’en 2012. C’est avec lui que Canal B obtient des locaux au Grand Logis à Bruz : un espace qui intégrait l’asso à un ensemble culturel plus vaste (avec cinéma, médiathèque…). L’engagement dans Ferarock (Fédération des radios associatives musiques actuelles), c’est lui. Il est aussi l’un des fondateurs du Jardin Moderne : une asso rennaise qui est née de la volonté de proposer des lieux de répétitions et de concerts aux musiciens. Le monsieur a compté et il a longtemps été décrit de cette façon sur les pages de Canal B : « Yvan Penvern, [la voix rauque …] un sourire à faire pâlir d’envie Colgate, 1,82 m, cheveux noirs, yeux noirs. Spécialité : Mister History of a rock city. Activiste de la rockitude éclairée. Également directeur chef chef de la radio, le tout d’une main de fer dans un gant en matière moderne, souple, douce et qui sèche vite. » (réf. Ouest-France, 28/08/2012). Il est décédé depuis déjà plus de dix ans mais les chantiers qu’il a menés ont inscrit la radio dans la vie culturelle du territoire. Et pour ce faire, il était important d’être basé à Rennes…

En 2007, l’équipe salariée et les bénévoles déménagent dans les locaux du centre commercial du Gast, à Maurepas. Ils y restent jusqu’en 2015. Depuis neuf ans, c’est à la Maison des associations (6 cours des Alliés) qu’ils ont posé leurs valises. Côté technique, les changements sont tout aussi notables : le 13 mai 1992, Canal B passe officiellement au 94 MHz… ce qui veut dire qu’elle devient une fréquence autorisée. Pirate elle ne l’est plus, mais libre elle le reste. Pour le comprendre, il suffit de jeter un œil à la grille des programmes d’aujourd’hui : cinéma, musique, théâtre, littérature, écologie, féminisme… Il y a 59 émissions (55 produites par Canal B et 4 extérieures) qui vont des plus originales (94 degrés à l’ombre, Bonjouir, Gabuzomix, Gymnastique sonore) aux incontournables (Zion Highway, FTS, Ost Berlin, Les Ateliers radiophoniques), en passant par celles de la première heure (Blueshit, Kérozène, Lollypop, Un poco too much, Plume et Pinceau, Les Grignou)… Pour en avoir une idée plus précise, il ne faut pas hésiter à regarder le référencement sur le site Internet. La liste est foisonnante ! Et puis, il y a cette façon de présenter qui est propre à chacun. Les débutants, les anciens, les professionnels… tous se côtoient avec leur différence. Passé, présent… quelque soit la génération, une bonne moitié continue aussi à privilégier le direct… Certains d’entre eux apportent même des vinyles. Et oui… À l’heure du numérique, il est inévitable de préciser qu’aux débuts de Canal B cette galette était LE support pour passer de la musique. Thibaut Boulais – qui a été bénévole dès l’âge de 12 ans et président une douzaine d’années – en parle ici : « la radio me donnait 50 francs par mois pour aller acheter des 45 tours au magasin Rallye de Bruz. Je passais des heures dans le rayon pour ne pas me planter » (réf. 20 minutes, 2014). Quant au direct, il l’évoque aussi dans les manifestations extérieures comme les Pyjamas Parties, des soirées qui étaient organisées le dimanche dans l’ancien café-concert Les Tontons flingueurs : « c’était plein à chaque fois, les groupes venaient jouer en acoustique, Deus, Miossec, Benabar, Louise Attaque… De supers moments. » (Ouest-France, 2014). Les salariés continuent aujourd’hui de sortir des locaux. Ils proposent des projets d’éducation aux médias, des reportages (quotidienne d’info locale)… mais aussi des émissions qui prennent part aux manifestations culturelles de la Métropole.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur Canal B tant elle garde cette aura propre aux radios libres. Avec 6 salariés et 98 bénévoles, la grille offre une diversité d’émissions qui ne pâlissent pas sous le poids des années. Tout se raconte sur Canal B. Il n’y a pas de règles… mais l’originalité, l’éthique et l’engagement accompagnent chaque projet. Artistes émergents, musique (tout genre confondu), parole donnée aux invisibles et à ceux qui agissent (pour l’environnement, pour le dynamisme du territoire et contre les discriminations)… « la radio curieuse » porte bien son nom. Dans une société devenue trop conformiste, elle favorise l’échange et l’esprit critique. Certes, les générations passent mais la liberté d’expression perdure. Comme quoi, même après 40 ans Canal B est toujours animée par la flamme de ses débuts !

Caroline Vannier

Sur le web :
https://www.canalb.fr/
https://www.facebook.com/CanalB
https://www.instagram.com/radiocanalb/?hl=fr

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