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Des histoires qui se vivent

Catégorie dans Musique

Flav, musicien… et programmateur au Bar’Hic (juillet 2019)

Le Bar’Hic va fermer… Triste nouvelle mais c’est bel et bien ce qu’on entend depuis quelques semaines. Situé tout en haut de la place des Lices, le bar est un lieu bien connu des amateurs de Rock, Metal, Punk, Blues et Électro à Rennes. Alors forcément, une telle annonce inquiète pas mal de monde. Mais qu’en est-il vraiment ? Simple changement de nom ou arrêt définitif des concerts ? Exit les rumeurs ! Le mieux est de se rendre sur place et de rencontrer celui qui gère la prog du caf’con’.

« Oui », confie-t-il. « Tout va changer ici. Il y aura toujours des concerts, une partie de l’équipe reste mais le nom, la déco et la dynamique ne seront plus les mêmes. Il y aura un autre programmateur à partir de septembre. » Flavien s’en va mais son travail ne sera pas passé inaperçu. Bien au contraire. En moins d’un an, l’ex barman s’est fait un nom. Groupes, tourneurs, asso… son carnet d’adresses est bien rempli et c’est mérité : « Marion était là avant moi. C’est elle qui a commencé à mettre tout ça en place. » Quoi qu’il en dise le public et les musiciens apprécient la qualité de sa prog et la sincérité de sa démarche. Son atout ? Mettre en avant des formations en qui il croit : « Darcy, Rataxes, 22 Longs Riffs… Après, il y en a eu plein des groupes que je voulais faire jouer ici et qui sont venus. Gros coup de cœur quand même pour Em Shepherd, un groupe nantais de rock électro jazzy. C’est monstrueux ce qu’ils font : un son d’une propreté hallucinante. » Flav est là depuis seulement dix mois mais il sait de quoi il parle. Pas étonnant, avec les deux pieds dans la musique depuis l’adolescence, il est loin d’être un novice : « j’ai commencé la batterie à quatorze ans mais le virus m’a pris entre huit et dix ans. Mes grands-parents avaient MTV et un jour, j’ai vu un tout jeune batteur faire un show. Je me suis tout de suite dit que c’était ça que je voulais faire. Au collège, j’avais déjà un pote qui jouait de la zik et j’ai suivi. Mes parents m’ont toujours soutenu et ils le font encore aujourd’hui, j’ai beaucoup de chance. » Depuis ses quatorze ans, il ne lâchera rien. Après le bac, il passe une licence en Musicologie et intègre l’école Agostini à Nantes : « la licence m’a ouvert à d’autres horizons. J’ai appris à écouter la musique. » Très vite, il joue en groupes mais c’est à la Fac qu’il fera des rencontres décisives : « Avec Gus – chanteur/guitariste chez Sîn –, on était dans la même promo. On a créé un premier projet qui n’a pas tenu mais on en a remonté un autre en 2016 : Sîn. » Les trois musiciens enchaînent les concerts et signent quelques belles dates comme à l’UBU ou au Ferrailleur. Entre Metal, Stoner et Rock, leur son se fait une place dans le milieu de l’underground. Ils préparent actuellement un album qui devrait sortir pour la fin de l’année 2019.

Quand Flav parle de musique, il y a beaucoup de passion dans ses propos mais le boulot n’est jamais loin. Développer sa propre approche de l’instrument passe forcément par une excellente maîtrise technique. Devenir un bon musicien prend du temps et il n’est pas avare de compliments quand il cite ceux capables de l’être : « Alex Jadi, un batteur avec un énorme cursus. Il est terrible sur scène. Il joue dans Fange et Swaarm. Il est au-dessus de tout le monde et c’est une crème. »

Flav’ poursuit sa carrière de batteur dans Sîn et il n’abandonne pas la prog. À la rentrée, il intègre l’équipe du Dejaze. Une nouvelle aventure commence pour lui… et pour pas mal de groupes qui espèrent le suivre. Il l’assure, l’éclectisme de sa programmation, il tient à la garder. « Je veux, par exemple, continuer à travailler avec des asso de Hardcore. C’est une scène très active à Rennes. » Il s’arrête un moment puis poursuit : « je les cite eux mais il y a plein d’autres, des groupes ou des asso, dans des genres très différents à Rennes et ailleurs. L’erreur serait de se fermer. C’est toujours mieux d’accorder des dynamiques que des styles.» Diversifier, refuser l’homogénéité… Serait-ce la clé d’une soirée réussie ? Une idée à méditer.

Caroline Vannier

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Un aller simple pour Rennes (janvier 2019)

Quelques années déjà que Barrel Kick arpente les salles de concerts. Un groupe aux airs de Rancid et de Dropkick Murphy’s qui apporte une note américaine dans le paysage punk-rock français. Leur recette ? Une technique rodée, de l’efficacité… et une bonne dose de complicité. Il faut dire que ces quatre-là se connaissent depuis un moment mais il a fallu être patient pour les voir jouer ensemble. Occupés chez Collaps Machine, Happy Kolo, Strike Back, Sherkan, Reckless Bomb, Disturbance… Ils ont marqué les mémoires de la scène locale mais pas que… leur son s’est baladé un peu partout. Vingt, presque trente ans pour certains à avaler les kilomètres… Oui, ils en ont usé des cordes et des baguettes dans les caf’conc’ et les festivals. Des gars bosseurs et généreux qui transmettent la même énergie devant dix ou deux cent personnes. Devenir un bon musicien, ça passe aussi par là : se confronter à un public, s’adapter, tester ses limites… En bref, sortir de la salle de répète : un vécu qui donne l’aisance nécessaire à la maîtrise d’un instrument. La scène serait-elle la meilleure des écoles ? Du côté de Barrel Kick, ça ne fait aucun doute ! L’appel du live, toujours et encore… Mais d’où sont-ils partis ? Pour trois d’entre eux, l’histoire commence en banlieue parisienne. Là-bas, ils se croisent en studio. La musique dans la capitale, ils y ont goûté ensemble et ils ne mâchent pas leurs mots : peu de salles, une liberté limitée, pas d’espace pour les asso… Pour faire du punk ou du metal, il faut bouger et c’est ce qu’ils font. Avec leurs groupes respectifs, ils découvrent des lieux hors normes, des endroits qui favorisent le Do it Youself… Des itinéraires plus ou moins connus… et un jour, une route qui les mène à Rennes : d’abord pour y jouer et plus tard pour y habiter. Leurs bagages, ils les posent ici quasi à la même époque. Un heureux hasard ? Non. Le breton est sans doute un peu punk…

1 – Comment vous êtes-vous connus ?
Thierry : on vient presque tous du 95. C’est la banlieue, pas Paris.
Chris : avec Ben, ça fait vingt ans qu’on joue ensemble. Depuis 1996. On croisait Thierry dans les lieux de répètes dans le 95.
Jex : moi, je les ai connu beaucoup plus tard. Je viens de Bressuire dans les Deux-Sèvres.

2 – Avant, ça ressemblait à quoi la scène punk-rock à Rennes ?
Thierry : en 2006, je venais souvent jouer ici avec mon groupe Happy Kolo. Tout le monde croyait qu’on était bretons à l’époque. Pour faire du punk-rock, il fallait aller à Rennes.
Jex : je suis arrivé en 2002 à Rennes et on venait surtout au Mondo Bizarro. On a monté Collaps Machine en 2005, c’était mon premier groupe à Rennes.
Chris : j’ai rencontré une bretonne et voilà… Ma batterie est arrivée avant moi. Avec d’autres gars, on avait programmé de faire un groupe de reprises.
Ben : ma femme est bretonne. Je suis arrivé six mois après Chris, en 2010. Je connaissais Boris des Bananes Metalik, on a monté le groupe Reckless Bomb avec lui et Chris.

3 – En un mot, la scène rennaise… quelle différence avec Paris ?
Thierry : vivante.
Ben : ambiance.
Chris : la seule qui perdure. Tu sais, le seul endroit qui bougeait à Paris, c’était la Miroiterie et aujourd’hui, c’est fermé. C’est pour dire.

4 – Chris, aujourd’hui, Barrel Kick… Hier, Sherkan, Chouch’nMolotov’, Death & Squad, Reckless Bomb, Strike Back… Beaucoup de groupes, parfois plusieurs en même temps, comment on gère un tel planning ?
Chris : c’était plus possible. J’étais toujours sur les rotules et j’avais un max de tendinites. J’ai eu trois groupes max en même temps avec des répètes les mardis, mercredis et jeudis. Les concerts les vendredis et samedis… Une fois, j’ai eu six concerts en neuf jours.

5 – Thierry, tu as toujours privilégié un son punk-rock ?
Thierry : non, à la base je suis metalleux. Je suis arrivé dans le punk-rock avec mon premier groupe.

6 – Thierry, et si je te dis Lemmy ?
Thierry : il est tatoué sur ma cuisse.

7 – Ben, quand as-tu commencé la guitare ?
Ben : à 22 ans. Je voulais faire de la musique avec des potes et ça a commencé comme ça, tout simplement.

8 – Jex, on te connaissait guitariste, comment es-tu passé au chant ?
Jex : c’est Ben de Collaps Machine qui devait être au chant mais il n’est pas resté, le son ne correspondait pas à son type de voix. À la base, j’avais écrit deux premières chansons de punk-rock au printemps 2014 (Son By Blood, My Hell) et quand Ben est parti, je suis passé au chant, ce qui m’allait bien car les textes de ces chansons sont très personnels. Mais j’avais déjà été chanteur dans un groupe de post-hardcore qui s’appelait Woman Only en 1999, on chantait à quatre.

9 – Trois groupes à conseiller à quelqu’un qui n’écoute pas de punk ?
Jex : Dropkick Murphys.
Chris : Rancid.
Thierry : The Clash.

10 – Pas de punk-rock sans scène ?
Tous : ouais, carrément.
Chris : il faudrait même que des albums live.

11 – L’aventure Barrel Kick, ça a commencé comment ?
Jex : Ben a remplacé Dibos à la basse chez Collaps Machine pendant quelques mois. Après Collaps, on s’est dit que ça serait bien de remonter un groupe ensemble.
Chris : tous nos groupes étaient morts, c’était le moment où jamais de monter un projet commun. Ben est passé à la guitare et Thierry à la basse.

12 – La scène locale aujourd’hui ?
Chris : ça bouge. Tous les groupes qui débutent ont une chance de jouer. Le Bar’Hic, la Fontaine de Brocéliande… on a de la chance. Respect à tous ces gens.

 

Caroline Vannier

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Parcours d’un zicos actif ! Tom (décembre 2018)

À la rencontre de Tom, frontman chez les Chouch’n’Molotov, un des groupes référence punk de la scène locale. Lui, qui écume les scènes depuis deux décennies nous donne rendez vous Au petit bonheur, un bar de son fief qui accueille régulièrement le son brut et authentique du combo. Le Verger, petite commune de 1500 habitants. Charmant ! Une auberge accueillante, une bière excellente… ça débute sous les meilleurs auspices !

Tom se présente à nous et dès lors, on cause de La passion qui s’est révélée par la claque Nirvana dans les nineties… Rien d’original jusque là, sauf qu’elle n’a jamais lâché, ne s’est jamais éprouvée, et ça n’est pas si simple quand on avance les étapes de la vie ! Tom expérimente la scène à seize ans, prend la guitare puis finalement le micro « parce qu’il n’y avait pas de chanteur » pour ne plus le lâcher avec Unskillful (traduction… maladroit ). Mais le groupe suivant est plus équilibré avec Jumparound qui ira jusqu’à effectuer les premières parties de Freedom For King Kong et Billy Ze Kick. Formation à l’énergie communicative que Tom ne cessera de vouloir transmettre à travers ses groupes suivants : Difact (néo metal) puis Hopper Noz. En 2013, Chouch’n’Molotov est créé avec Sly à la basse et Chris à la batterie (ex Sherkan, Strike Back et actuel Barrel Kick) rejoint en 2014 par Freddo à la guitare. Du son punk (mais pas seulement) « j’ai toujours été dans la fusion bâtarde. J’écoute tout type de rock. Ce qui compte, c’est la sincérité et l’énergie ». Un milieu que Tom apprécie car franc et honnête : « un punk qui te dit merde il ne va pas tourner autour du pot, il va te le dire en face » ce qui compte c’est le live, l’instantané ! En revanche pas de cloisonnement, les influences multiples du groupe font qu’ils sont aussi à l’aise à jouer avec un groupe de ragga ou de metal. Mais ils trouvent dommage que les scènes musicales restent fermées et de ne pas retrouver la diversité musicale au cours d’une soirée. Vingt-quatre ans de scène locale, ça permet d’avoir un certain recul !

Ces derniers temps, Chouch n’Molotov a tourné en France et fait le constat qu’ « on est pas si mal loti en Bretagne » Si ça parait moindre qu’il y a quelques années, la culture caf’conc’ persiste mais certains lieux en France subissent une répression parfois implicite et contraignante, décourageant toute représentation amplifiés. On louange la Fontaine de Brocéliande – Culte au sein du milieu – et on évoque la scène rennaise qui subsiste : le Mondo Bizarro bien sûr, le Ty Anna Tavarn, le centre ville rennais en général « tu as un problème si tu habites dans la rue de la soif et que tu veux être tranquille  », la fermeture il y a plusieurs années du Barock aussi, un ancien pub près de la gare de Rennes, qui, en quelques années, avait fédéré la scène rock punk et metal. La discussion découle alors sur le « repli sur soi » du moment : place à la tranquillité, silence on joue ! Tout cela est aux antipodes de la musique de Tom. Dans ses textes et au sein de ses groupes qui excluent le repli identitaire et l’égoïsme ambiant. Un combat de Don Quichotte ? Si on est seul le moulin ne s’effondrera pas mais si on est plusieurs …

Tom a quarante ans, ne les fait pas, l’âge, pour la plupart, étant une pierre angulaire : on regarde devant et on commence peut être à regarder en arrière, on se pose des questions sur les choix à faire. On sait que concilier vie de famille, professionnelle et passion est une complication, certains ont fait un choix, à regret ou pas d’arrêter. Tom a continué tout en se donnant des règles à suivre pour sa famille « j’ai une femme exceptionnelle. Mais j’avoue qu’en dehors des concerts, on vit en vase clos ». La musique, l’écriture étant un besoin, le partage qui naît de la scène une addiction, Chouch’n’Molotov plus actif que jamais a plutôt la tête tournée vers l’avenir mais le passé sonne à la porte quand on évoque une tentative de reformation de Jumparound ! Drôle de hasard, quand surgit à la fin de notre rencontre Bertrand, ancien batteur d’Hopper Noz « j’ai vu ta voiture alors je me suis arrêté » et qui annonce rejouer « à la cool » avec Pepel, ancien bassiste d’Hopper Noz et de Tagada Jones. Bref, la musique, ce démon de midi …

Benjamin Vannier

Adrien, une des plumes de Metalorgie (mars 2019)

« Je reviens de Nantes. Hier soir, j’ai vu Sunn O))) en concert… J’adore. Un son très particulier, une atmosphère… c’est très immersif. Je les ai suivis sur trois dates. » C’est dans cet esprit que commence l’interview d’Adrien. Déjà dix ans qu’il fait partie de l’équipe de Metalorgie, un anniversaire particulier qui permet de mettre en lumière un chroniqueur au service de la musique.

« À l’époque, je traînais sur le forum et quelqu’un m’a demandé si je pouvais écrire pour eux. Je ne savais pas si j’en étais capable mais j’ai fini par accepter.» Et il a bien fait ! Aujourd’hui, son nom de plume (ou son pseudo, à votre guise) – Pentacle – est pas mal cité dans le milieu du metal. Pour sûr, il sait de quoi il parle ! Live report, news, critiques d’albums, interviews… Qu’elle soit enregistrée ou en live, il décortique la musique des groupes qui croisent sa route. Dans son écriture, le propos est franc, posé… Des analyses claires qui évoquent les petites et grandes formations de France et d’ailleurs. Son point fort ? Il n’hésite pas à vulgariser le jargon et les références : une belle façon de s’ouvrir aux lecteurs de tout horizon. Une approche qui colle parfaitement à la vision de Metalorgie.

Avec Adrien, ils sont 40 passionnés à faire vivre un webzine qui cartonne depuis 18 ans : « on est 20 réguliers à poster tous les mois. Il y a du monde à consulter le site, c’est important de mettre en place un contenu actualisé. » Un travail qui passe par l’écoute des albums mais surtout par le live. Des concerts, Adrien en voit un paquet : « à Rennes, Nantes, Paris… Des festivals comme le Hellfest mais aussi à l’étranger. Je vais tous les ans au Roadburn en avril, c’est aux Pays-Bas à Tilburg. Très éclectique en terme de prog : du hardcore au doom en passant par la folk, le psyché, le black metal… avec un côté expérimental et artistique très recherché. » Un regard bienveillant, juste et minutieux sur le monde du metal mais pas que… Il se penche aussi sur des artistes comme Carpenter Brut ou plus récemment Olafur Arnalds. Et ouais, le metalleux est avant tout un passionné de musique au sens large : un message que porte Metalorgie depuis déjà quelques années dans sa politique éditoriale.

Ne rien s’interdire, avoir un vrai jugement, promouvoir des musiciens de talents… une liberté et des convictions qui donnent envie d’aller plus loin… Une fois par an, le webzine organise le Metalorgie Fest à Nantes : « ça se passe là-bas parce qu’une partie de notre équipe y habite », précise Adrien. Avec les Stoned Gathering – asso parisienne de stoner, doom et psyché –, ils mettent aussi en place des rendez-vous comme les Stoned Orgies qui leur permettent de regrouper des formations internationales – qui ne passent parfois que sur la capitale – mais aussi de promouvoir les groupes locaux. De belles soirées qui ont déjà vu passer Fistula ou Weedeater.

Et à Rennes, des projets ? Sur le webzine, peu d’articles, d’événements ou de groupes référencés mais ça va changer, non ? « Oui, j’ai envie de développer des soirées ici. J’y habite, ça sera plus simple de le faire pour moi. Le 11 mai, on organise – avec l’asso Dream’in Noise – une soirée au Marquis de Sade avec Neige Morte (black metal / noise – Lyon). » L’orga de concert – quasi en solo – c’est une première pour Adrien en Bretagne. L’occasion de comparer avec d’autres coins de France… Est-ce plus simple ici ? Que peut il dire de ses récentes démarches ? « L’offre est importante à Rennes », explique-t-il. « Il y a beaucoup d’asso mais aucun lieu réellement identifié metal ou rock. À Nantes, il y a Le Ferrailleur ou La Scène Michelet. Ici, ce n’est pas pareil : Le Marquis de Sade, le Bar’Hic, le Ty Anna, même le Mondo… tous les styles de musique sont représentés et il faut vraiment s’y prendre à l’avance pour prévoir une soirée. »

Très vite, la conversation dérive. Adrien s’intéresse a tout ce qui touche de près ou de loin à la musique : les labels, les salles de concerts, la technique mais aussi le design et l’esthétique des pochettes de vinyles. Et d’ailleurs, ne serait-il pas un peu collectionneur ? « Oui, j’ai à peu près un millier de vinyles chez moi. Des albums allant du metal extrême à l’électro. » Une belle collection qui a fait l’objet d’une émission le 8 janvier 2019 sur la chaîne Youtube 2Guys1Tv. N’hésitez pas à aller y jeter un œil !

Dix ans, une date importante… et qui sait, un jour, peut-être un vingtième anniversaire chez Metalorgie… Il se marre et secoue la tête : « je ne sais pas. Je ne fais pas de plan, le jour où j’aurais envie d’arrêter, j’arrêterai. Je suis attiré par plein de trucs différents : organiser des concerts, créer un label, avoir un groupe… » De sages paroles mais toujours le même moteur : aller au bout de sa passion, expérimenter, voir plus de concerts… Une belle idée de la musique humblement incarnée par un acteur de la scène locale.

Caroline Vannier

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Gaétan, une figure du Jardin Moderne mais pas que… (mars 2019)

Des gamins qui ont débuté la musique ensemble… et qui n’ont jamais rien lâché en grandissant. Des gars qui comptent aujourd’hui au niveau local autant sur scène qu’en coulisses. Des gens libres qui font ce qu’ils aiment et qui s’y engagent à 100 %. Gaétan est l’un des visages de cette bande de potes pas comme les autres ! Figure du Jardin Moderne et batteur chez Hand of Blood pendant une bonne décennie, il sait parler de sa passion avec philosophie, franchise et simplicité. La musique… Un truc si évident pour lui qu’elle paraît presque inscrite dans son ADN. Allez, on essaie d’en savoir plus ?

Pour revenir au point de départ, il faut bouger à Theix ! « C’est près de Vannes mais côté bayou », précise Gaétan. Là-bas, il commence à taper sur les fûts au début du collège. Il prend trois années de cours, une base solide qui lui permet d’acquérir les bons gestes. Très tôt, il sait où il va, il travaille des techniques précises qui lui permettent de se démarquer. Curieux et autodidacte, il se tourne aussi vers d’autres instruments pour composer : « quand j’avais 16 ans, je bossais sur mes propres projets. J’ai toujours voulu faire du thrash-core-indus. Je m’amusais avec mon 4 pistes tout seul. » Le premier groupe qu’il intègre en tant que batteur est Theocracy (black/death). Il y jouera quelques années aux côté de Romuald (RIP) avant de rejoindre Etat d’Urgence (punk puis brutal/punk/hardcore) en 2000 : « Leur batteur s’était ouvert le bras dans une bagarre et ils m’ont demandé d’assurer l’intérim. J’ai placé de la double et proposé d’autres plans et ils m’ont demandé de rester. » Une formation en appelle une autre, Gaétan monte dans la foulée un nouveau projet : « Romuald m’a présenté « Les punks de Theix » Seb et Vincent. Il jouait avec eux depuis peu. On a monté Nailnead (HxC metal) en 2003 avec Seb et Jo. C’était des potes. Jo – asso Face to Face et guitariste chez Entertain the Terror et Ultimhate –, je le connaissais depuis la primaire. J’étais dans la classe de son petit frère.» Il faudra attendre 2006 avant de voir émerger Hand of Blood. Là aussi, c’est presque la même équipe : « on a commencé avec Seb et Vincent, Jo nous a rejoint ensuite et puis Yann. » À ses débuts, le groupe a un son très Sepultura mais l’identité hardcore s’affirme au fil des ans. Avancer, créer et surtout se confronter à la scène, c’est ce qui les anime à cette époque : « on a fait une tournée européenne – Allemagne, Belgique, Pologne, Espagne, Portugal, Sud de le France – et c’est vrai que sans Jonathan, on aurait pas fait plus de trois concerts par an. C’est lui qui assurait toute l’orga. » L’histoire d’Hand of Blood se termine en 2015 : sur Internet, on trouve peu de traces de ce groupe qui a marqué la scène locale. Ils ont tourné la page mais les potes continuent de se soutenir à travers leurs projets respectifs. Aujourd’hui, Gaétan développe – chez Torture du Sphynx, depuis 2015 – ce qui lui tient à cœur depuis ses 16 ans. « Des grattes metal, une basse punk et des machines martiales torturées », précise-t-il. Cette fois, c’est à la basse et au chant qu’il officie : un nouveau challenge qu’il affûte avec trois autres musiciens – Geoffrey (Bestial Nihilism), Emeric et Waldo (ex Aïwa) –. La batterie n’est pas en reste : il souhaite se pencher sur des techniques plus jazzy. En attendant, il continue d’en jouer lors des soirées Tribute de Pains et Yaourt au Melody Maker où il réinterprète, à sa sauce, les morceaux de groupes devenus des classiques.

La musique, une passion qui le suit jusque dans sa vie professionnelle… L’équipe du Jardin Moderne, il l’intègre en janvier 2009. À Rennes, l’asso est connue par tous les musiciens : porteuse de projets, lieu de répétition, centre de ressources et de formation… Un lieu devenu unique et indispensable dans le coin. Son arrivée au Jardin, il la doit à un changement d’orientation : « j’avais pas envie de rester à la fac. À la base, je voulais faire un BTS Environnement mais j’avais passé un bas ES et il fallait un S. J’ai finalement quitté Rennes 2 pour faire un BTS Restauration et je suis arrivé au Jardin en 2009. » Au gré des anecdotes, il raconte qu’il a bossé près de l’Antipode au moment de sa formation en BTS. Un hôtel-restaurant où il a ajouté un peu de musique là où il n’y en avait pas : « je suis resté à Campanile pendant cinq ans. J’avais proposé de mettre en place des forfaits nuit + petit déjeuner pour les musiciens qui venaient faire des concerts à Rennes. J’ai vu des groupes comme Lofofora au p’tit déj’, j’ai aussi travaillé avec des asso que je connaissais déjà comme Mass Prod – rencontrée à l’occasion de la compile Breizh Disorder 2 avec Etat d’Urgence – Il y avait aussi Garmonbozia, Rage Tour et même directement avec l’Antipode ou le Jardin, notamment pour leurs 10 ans.» La musique au centre de tout et un poste qui demande pas mal de rigueur. Un double profil qui lui permet d’être réactif sur tous les pôles : « je fais surtout de la coordination. J’arrive à 10h-11h pour la restauration et il faut assurer le service à partir de midi. Il y a aussi des répétitions à ce moment-là. Je planifie aussi l’orga de l’équipe du bar, la gestion des stocks, le matériel en salle de répète…» Après tant d’années, il en a vu des groupes défiler. Il en a aussi entendu… Oui, les studios sont insonorisés mais il y a toujours un peu de son à filtrer dans le café culturel : « il y a des musiciens qui sont arrivés avant moi comme Charly’s Angels, La STPO, les Gravewalkers, Glam Dicinn… » Oui, une partie de la scène locale se croise en répétition. Des formations variées qui offrent une diversité importante dans le paysage actuel.

Le virus de la musique ne le quittera pas. Gaétan est un passionné qui sait parler de ce qu’il aime sans prétention. Un musicien de talent qui offre un regard technique, créatif et toujours neuf sur ce qui l’entoure. Savoir se réinventer, c’est peut-être ça son secret ? Une leçon à méditer !

Caroline Vannier

Éric et Agnès, deux visages bien connus de la scène locale (septembre 2018)

Sans passionnés, pas de scène locale. Une constat simple qui prend sens quand on voit tout le boulot qui se cache derrière une organisation de concert. À Rennes, une poignée de personnes se bouge pour donner un coup de projecteur sur les groupes du coin. Des amoureux de la musique qui travaillent dans l’ombre pour offrir un peu de rêve le temps d’une soirée. Leur motivation ? Faire en sorte que les gens fassent des découvertes tout près de chez eux. Leur credo ? La musique se vit en live ! Et c’est pas Éric et Agnès qui diront le contraire. Ces deux-là font partie de ces irréductibles qui lâchent canapé et télé pour le Mondo Bizarro ou Le Marquis de Sade. Comme spectateurs ou membres de l’asso Ankou Prod, ils répondent présents quand l’affiche sonne rock ou metal. Et même s’ils bossent la journée, ils s’envolent le soir venu pour vivre l’instant présent. Oui, la musique est une constance chez eux mais ce n’est pas tout… Si on se penche sur leur quotidien, on se rend compte qu’ils n’arrêtent pas : nuit dans un château hanté, Zombie-Run, bénévole au Motocultor (pour Éric)… Oui, ils bouffent la vie à pleines dents. Une curiosité insatiable qui les enrichit d’une sacrée culture, d’un vrai point de vu et d’un carnet d’adresses bien rempli. Mais soyons clair : pas de calcul dans leur démarche, juste une envie d’assouvir et de partager leur passion. Un couple attachant bien implanté dans la scène locale et qui porte un discours généreux sur ce milieu. Bref, il était temps de mettre ces deux personnages en lumière. Mademoiselle Agnès, Monsieur Éric… À vous la parole !

1 – Premier coup de cœur musical ?
Agnès : Gainsbourg.
Éric : en 1991, en concert. Metallica et ACDC.

2 – Dernier coup de cœur musical ?
Agnès : Jackhammer et Klone.
Éric : Jackammer.

3 – Le groupe que vous avez le plus vu en concert ?
Agnès et Éric : Jackhammer.

4 – Ceux que vous écoutez le plus ?
Agnès : on écoute pas. On vit tout en live.
Éric : on fait entre 50 et 70 concerts par an. 1 à 2 par semaine.

5 – La musique a-t-elle toujours été présente dans votre vie ?
Éric : moi, non. J’ai été marié 20 ans et ma passion a été mise en sourdine pendant un moment.
Agnès (qui penche la tête vers Éric) : c’est lui qui m’a fait découvrir tout ça.
Éric (qui pose les yeux sur Agnès) : c’est ensemble qu’on a découvert ce milieu.

6 – Les endroits les plus sympa pour voir un concert ?
Éric : le Mondo Bizarro et Le Marquis de Sade pour le lieu et l’accueil. Le Bar’Hic plus pour le lieu. Le Jardin Moderne mais ça va au-delà des concerts : l’environnement est cool, c’est le lieu associatif par excellence.

7 – Qui de vous deux est le plus rock ?
Éric : Agnès !

8 – Qui de vous deux est le plus metal ?
Agnès : Éric !

9 – Le premier qui a sauté le pas pour l’organisation de concert ?
Éric : c’est moi. Jérémy – d’Ankou Prod – cherchait des forces vives. Je me suis proposé pour être secrétaire.

10 – Et toi Agnès, quel rôle as-tu dans l’asso Ankou Prod ?
Agnès : j’ai pas encore signé mais je suis trésorière de l’asso.

11 – Comment se porte la scène locale à Rennes ?
Éric : beaucoup de groupes, des lieux diversifiés… mais le public ne répond pas toujours présent. Les gens sont exigeants : ils ne se déplacent pas forcément pour un petit groupe. C’est dommage, on est presque obligé de programmer un gros groupe à chaque fois pour faire venir du monde.

12 – La scène locale en trois mots ?
Éric : variée, jeune et pro.
Agnès : pareil.

13 – Quel groupe aimeriez-vous faire jouer ? Tout est permis, même les rêves les plus fous.
Agnès : Mademoiselle K, Klone. Et je suis très contente de faire jouer El Royce.
Éric : Kvergan’s, Disconected… et ce sont des rêves qui vont peut-être se concrétiser.

14 – La photo et la vidéo, est-ce c’est quelque chose que tu souhaites développer Éric ?
Éric : la vidéo, j’aimerais bien. Sur 1 set, je filme 3 ou 4 morceaux. Quand on fait jouer des groupes, c’est important d’en parler. La vidéo est un bon moyen pour le faire.
Agnès : le pire, c’est qu’il fait ça avec son portable.
Éric : quand je filme, c’est le ressenti qui compte. Et avec un portable, c’est plus facile.

15 – Éric, si Agnès était une musique, quelle serait-elle ?
Éric : un concert acoustique. Pour l’anecdote, les Age of Who sont venus à la maison et ils nous ont offert un concert acoustique à la maison, avec les instruments qu’on a habituellement en déco. Un super souvenir !

16 – Agnès, même question. Quelle musique serait Éric ?
Agnès : un concert de metal.

17 – Le prochain concert, c’est quoi ?
Éric : le Motocultor, en tant que bénévole. Une première pour moi, j’y serai les 3 jours.
Agnès : moi, je le rejoins le dimanche mais pas comme bénévole.

18 – Un souhait pour les années à venir ?
Éric : porteur de la scène locale.
Agnès : ouvrir un café-concert.

 

Caroline Vannier

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Thomas, une des voix de l’underground (décembre 2018)

La musique, Thomas est tombé dedans quand il était petit… enfin, presque : « à 17 ans, j’étais fasciné par les labels, je voulais en monter un avec des potes mais je n’avais pas encore la dimension de ce que c’était dans son ensemble.» Une poignée d’années plus tard, le musicien organise des concerts, fait de la radio, écrit, monte un groupe, en intègre un autre, se met à la guitare, à la basse, au chant… Et ce n’est qu’un début ! Avec l’orga du festival Les Lunatiques – le 22 septembre 2018 –, il tape très fort. Mais là, on grille les étapes : on revient dix ans en arrière ?

Comme beaucoup d’histoires, tout est arrivé un peu par hasard : « mon père faisait de la basse. J’avais pas envie d’en faire mais il m’a dit, prends le temps d’y réfléchir, tous tes copains jouent d’un instrument différent, ça serait marrant que tu t’y mettes. » Un premier essai probant et Azoah se crée dans la foulée : un trio fusion/metal/rock qui privilégie la scène au studio. À cette époque, Thomas expérimente, il n’hésite d’ailleurs pas à troquer la basse contre le micro et la guitare. Là encore, l’essai est réussi et il faudra attendre cinq ans avant qu’il revienne à son instrument de prédilection. C’est Simon de Mantra qui vient le chercher : « mon groupe s’arrêtait et il a pris contact avec moi. La guitare et le chant, j’en avais fait le tour et il savait que ça collerait. » Et pour sûr ! Ces quatre-là se sont bien trouvés, Thomas propose un jeu subtil et solide : une approche empreinte de détails qui s’accorde parfaitement à la griffe Mantra.

« À Laval, j’ai vu Regarde Les Hommes Tomber à leurs débuts, on devait être trente dans le public et maintenant, ils remplissent les salles. » Comprendre la musique, ça passe aussi par l’écoute de celle des autres. Pendant ses études, Thomas devient chroniqueur pour des webzines et des radios. Une implication dans des médias qui « donnent de la voix à tous ceux qui sont dans l’ombre » : « oui, je me suis toujours intéressé à l’underground », précise-t-il. « Quand je n’organisais pas de concerts, il fallait que j’en parle sur papier. J’ai pigé dans trois webzines (Tours, Angers et Rennes). À la radio, je parlais surtout de jeux vidéos mais je faisais toujours un parallèle avec la musique. » Forcément, l’orga de concert, il y vient très vite. D’abord par passion mais aussi par nécessité : « Avec Azoah, on ne savait pas comment intégrer un réseau, faire des concerts… On nous avait dit qu’il fallait au moins une asso pour se crédibiliser mais je ne voulais pas faire ça tout seul dans mon coin. » Du Do it Yourself qui prend tout son sens avec Monte Ida, Sideburn, Gus Vendetta et son propre groupe Azoah : l’asso La Voix des Hères devient un collectif. Exit l’idée du label, ils font jouer des formations pointues comme As We Draw (les frères Sauvé) et Burning Bright : « moi, je m’occupais surtout des relations presse. » Des débutants… mais avec une organisation déjà rodée. Ils connaissaient leurs limites et ils ont attendu quatre ans avant de caler un projet de grosse envergure : « Nico de Black Karma est venu nous voir pour monter un festival. » Un appel bien reçu et… qui donne le coup d’envoi des Lunatiques en 2018 ! Les Lunatiques… Un nom évocateur qui refuse les étiquettes : « la prog ne sera pas toujours forcément metal », explique Thomas. Une bonne dose de réflexion, une belle affiche (Mars Red Sky, The Dali Thundering Concept, Ayahuasca…), un graphisme qui se démarque, une com’ maîtrisée… pas de doute, l’approche est très pro ! Thomas et sa bande peuvent être fiers, ils ont fait bouger 300 personnes ce soir-là. Une belle réussite qui lance illico la deuxième édition le 21 septembre 2019 !

Depuis presque dix ans, Thomas ne lâche rien. Un passionné qui sait s’effacer derrière ses propos pour mettre en valeur les groupes qu’il défend. La scène underground fait émerger bons nombre d’acteurs qui sont force de proposition. Thomas est de ceux-là, il partage une idée de la musique qui fait sens et qui promet encore de belles réussites dans les années à venir : « je voudrai bien écrire sur la musique. Je prends plein de notes de ce que je vois, des souvenirs de groupes… On verra. » Pour l’heure, les rendez-vous sont pris : on guette l’affiche des Lunatiques et on suit Mantra au Hellfest ? Le groupe s’y produira le jeudi 20 juin 2019. Respect messieurs !

 

Caroline Vannier

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Le Ty Anna Tavarn : un Café CULTURE emblématique à Rennes (novembre 2018)

Mardi, 20h00… du froid, de la pluie, pas de concert mais les gens sont là pour l’apéro. Ce soir, la terrasse du Ty Anna est occupée par des habitués mais pas que… Si on tend l’oreille, quelques clients viennent ici pour la première fois et ils ne sont pas déçus. Il faut dire qu’en arrivant devant le bar, la façade claque : murs à colombages, poutres apparentes, fenêtres anciennes… Une architecture quasi-médiévale qui participe à l’identité du lieu. C’est vrai, après tout… Le Ty Anna, c’est un peu comme les tavernes de l’époque : tous les publics s’y retrouvent et ça ne gêne personne, bien au contraire ! Ouais… sauf que dans les tavernes, il y avait des bagarres et que là, il n’y en a pas. C’est peut-être la musique qui aide… Ne dit-on pas qu’elle adoucit les mœurs ?

« Si je suis venu à Rennes, c’est pour faire un café concert », explique Gweno. Chez lui, la musique est à l’honneur presque tous les jours : « des groupes du coin et d’ailleurs, des asso mais aussi de gros événements comme Yaouank, les Bars en Trans, Jazz à l’Ouest, le Grand Soufflet, la Festive… » Tout au long de l’année, les concerts s’enchaînent sans jamais se ressembler. Du live dix mois sur douze ! Mais avec un tel rythme, comment allier qualité et diversité ? Pour le savoir, il n’y a qu’à suivre le taulier… Si vous passez place Sainte Anne, vous verrez sans doute la grande silhouette de Gweno arpenter la Rue de la Soif. En plus du Ty Anna, il gère le Bar’Hic et le Petit Bar mais quand on le lui dit, il secoue la tête et répond : « Je suis pas tout seul. Pour la prog du Bar’Hic, il y a Flavien, n’hésite pas aller le voir. Ce soir, moi, je vais uniquement te parler du Ty Anna

En 12 ans, il y en a eu des groupes à fouler la scène du 19 place Sainte Anne : « Au début, c’était surtout du jazz, du trad. et du rock. Et au fur et à mesure, on a ouvert au punk et au metal. Rien qu’au Ty Anna, on a 200 concerts par an. Il y a beaucoup de rendez-vous, des sessions de musique trad., jazz, funk, manouche, brésilienne, swing… On travaille aussi avec des groupes qui nous accompagnent depuis les débuts, comme Soultime qui sont là depuis septembre 2006.» Oui, mais comment gérer un tel planning ? Avec quatre à cinq concerts par semaine, il y a de quoi se perdre, non ?À l’ancienne, Gweno note sa prog sur des agendas papier qu’il conserve années après années mais il n’en a pas besoin, il retient tout. Il énumère des musiciens de la scène locale, des groupes et des asso qui l’ont marqué… Des dates et des noms qu’il cite sans jamais faire d’erreur. Des souvenirs, il en a un paquet mais il en retient surtout un : « Première date de Half Moon Run (Rock/Canada), c’était au Ty Anna. Un an et demi après, ils jouaient aux Vieilles Charrues. J’y étais comme spectateur et je l’ai découvert sur place. »

Mener des projets ensemble, faire avancer les choses… Des actions qui passent par les Cafés Concerts. Gweno me tend un fascicule du collectif Bar-bars : « Ça c’est très important ! C’est une asso de Cafés-Culture qui existe depuis 1999. On l’a lancé ici il y a maintenant 8 ans : on compte aujourd’hui 25 adhérents à Rennes et 500 dans toute la France. Avec les différents Caf’Con’, on provoque des rendez-vous. Les groupes qui veulent jouer peuvent directement entrer en contact avec nous.» Un circuit court qui se recentre autour de l’humain et de l’artistique mais rien ne se fait sans la ville, ni les habitants. Comment gérer autant d’interlocuteurs ? : « ça se passe bien, affirme Gweno. On communique beaucoup avec les élus. On a par exemple mis en place la Charte de la Vie Nocturne, un conseil de conciliation entre les riverains et les bars. » Au Ty Anna Tavarn, jamais de temps mort : un concert en appelle toujours un autre. En faisant un geste brusque, je fais tomber quelques flyers. Je les ramasse et remarque que c’est la prog de Yaouank 2018 : « oui, on est en plein dedans. Les premiers concerts commencent cette semaine. Et en décembre, on sera dans les Bars en Trans. La fin de l’année est chargée mais c’est bien », confirme-t-il.

En créant un Caf’Conc’, Gweno a fait beaucoup pour la musique live dans le centre de Rennes. Avec un brin d’audace, de passion et de clairvoyance, il a su donner une âme a un lieu qu’on ne présente plus. Le Ty Anna Tavarn offre une diversité culturelle qui fait du bien ! Un zone de liberté pour les groupes de tout horizon. Que demander de plus ? Ouais, on a de la chance à Rennes… Pourvu que ça dure !

 

Caroline Vannier

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Le Marquis de sade : un Caf’ Conc’ bien ancré à Rennes (juin 2018)

Depuis quelques années, Le Marquis de Sade s’est fait une belle place dans le paysage musical local. Rock, punk, metal, blues, electro… Ici, pas de guerre du son : tout le monde se côtoie. Il faut dire qu’à part la déco et le nom du bar – emprunté au groupe rennais Marquis de Sade – aucune préférence n’est affichée : « on aime le rock sous toutes ses formes » clament Alain et Seb. Mais comment créer une dynamique ? Aujourd’hui, qui a le cran de monter sa propre affaire ?

Pour le comprendre, il faut revenir sept ans en arrière. À ce moment-là, Le Marquis de Sade n’existe qu’à l’état de projet mais les discussions s’animent déjà dans un bar situé rue Saint-Sauveur. Alain est derrière le comptoir, Seb devant : le client et le barman partagent des points de vues similaires et à force d’échanges, l’aventure Marquis de Sade se concrétise. Pas de coup de tête, l’entreprise est réfléchie : pour Alain, c’est déjà la troisième affaire qui se monte. Fort d’une double expérience en tant que patron de bar, il sait où il va : un bagage non négligeable qui met le Marquis sur les rails. L’idée d’implanter un Caf’ Conc’ un peu à l’écart du centre ville est une évidence mais reste à trouver le bon emplacement. Une rue passante, des écoles et le parc du Thabor à quelques mètres de là… À priori, le lieu n’est pas idéal, pourtant Alain et Seb en saisissent tout le potentiel. Il faut une sacrée dose d’imagination pour voir ce que deviendra le 39 rue de Paris : « ici, c’était fermé depuis un an et demi. Il y avait du boulot. » explique Seb. Pas mal de travaux et un endroit exigu qui ne prédestine en rien la création d’une scène mais comme le répète Alain : « mieux vaut un petit chez soi qu’un grand chez les autres ».

Le Marquis de Sade ouvre en 2013. C’est plutôt récent quand on y pense… Pour les musiciens, il s’est inscrit si vite comme lieu de référence qu’on a l’impression qu’il est là depuis des années. Avec de la patience, de la passion et pas mal de bouche à oreille, le Caf’ Conc’ se fait un nom. La qualité du service et l’excellent accueil y sont pour beaucoup : « on est là pour servir des bières et accueillir les musiciens ». Des paroles humbles mais personne n’est dupe, le travail des deux tauliers y est pour beaucoup dans le succès du troquet. Un boulot rôdé et une organisation sans faille : « Seb est là pour assurer le quotidien. Moi, j’ai un autre travail mais je suis là pour assurer les arrières. » explique Alain.

Les vendredis et samedis soirs, les acteurs locaux investissent la petite scène du Marquis de Sade : « on donne la priorité aux asso qui sont là depuis le début comme FTTT, l’Alambik, Ankou Prod, Kfuel… Ah, j’espère qu’on en oublie pas. » Et les groupes ? Un moment d’hésitation, les deux associés se regardent puis répondent : «  ce qu’on pense n’est pas important. Il y a de bons musiciens et les groupes qui passent ici sont sérieux, la scène locale est bien vivante à Rennes ». Oui, et eux qu’est-ce qu’ils écoutent ? Est-ce qu’on peut en savoir plus sur ce qu’ils aiment ? Là encore, un petit silence s’installe et puis Seb commence à charrier son collègue : « bah, tu peux lui dire quand même ! » Alain sourit, pose son verre sur le comptoir et finit par avouer : « je suis allé voir Simple Minds 39 fois en concert. Je les suis depuis que je suis ado.» Oui, de vrais passionnés et ça ne s’arrête pas là : « Ah le concert des Marquis de Sade au liberté. On a fermé le bar pour aller les voir. C’était bien ! Au niveau musiciens, il y a encore des réglages à faire mais le chanteur a gardé sa prestance et sa voix. »

Le Marquis de Sade a encore de belles années devant lui : « on veut pérenniser le lieu et surtout ne jamais s’endormir sur nos lauriers ». Alain jette un œil derrière lui : « cet été, on va faire des travaux dans la salle de concert. » Seb ajoute : « on va passer de trois groupes à deux pour les soirées concert, ça sera plus confortable pour tout le monde. On voudrait aussi sensibiliser les musiciens au respect des normes acoustiques. » Au Marquis, les concerts se jouent de septembre à mi-mai mais hors saison, n’hésitez pas à passer pour l’apéro. L’accueil y est bon tout au long de l’année !

 

Caroline Vannier

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« Bistrots, Rades et Comptoirs » (février 2017)

Faire un Road Trip, qui n’a jamais fait, ne peut savoir ! Un plaisir innocent et vivifiant !  Se lever tous les jours dans un endroit frais, neuf, qui on ne sait pourquoi, se casera dans une mémoire à l’habitude si défaillante…  Confortable sensation pour un nomade à l’occidental, certes, il est plus facile de partir quand on sait que son chez-soi a un toit… migration du riche, migration du pauvre, l’un fonce vers le Sud pour découvrir quand l’autre monte vers le Nord pour survivre… Je m’égare : le propos,  c’est l’âme du bistrot et pas n’importe lequel … celui de notre péninsule !!! Un bouquin « Bistrots, Rades et Comptoirs » tombé sous le sapin. Le sujet ? Deux gars de la Vilaine (Sylvain Bertrand et Yann Lestréhan) qui décident un projet, né dans des comptoirs rennais : faire le tour des bars, pas « hype », mais atypiques ou plutôt, les plus attachants de notre contrée. Un mois de pinte, de ballon de rouge, de shooter : ça c’est pour le côté sportif de la chose. L’autre qui va de soit, c’est ce qu’on découvre à travers ce récit accompagné de photos, une aventure humaine, des rencontres, une visite dans le quotidien d’une société de partages qui n’a pas besoin de se réinventer puisqu’elle n’a jamais cessé d’exister.

Le livre relate ces jours remplis d’ivresse émotionnelle Chez Jeanine, de « vibration patriotique » (bretonne bien sûr) au Saint Jakez, l’abri du Vent ou au Ty Elise, des blagues à l’Halte là, de l’altruisme de Lambert, de l’ouverture d’esprit du Refuge ou de chez Karim au FaouëtChez Minouche, on comprend l’intérêt de lever la tête sans regarder le plafond et au Cap Sizun, on prendra un vin chaud à la Buvette … Ces brèves de comptoirs se succèdent dans une cacophonie réjouissante à travers des portraits, des visages de pays au-delà des clichés, des tranches de vie et des moments qui font du quotidien une jouissance de la vie ! Le début de la lecture débute par un sentiment de curiosité, puis progressivement on se forge la conviction qu’il est anormal de s’étonner tant le récit nous fait partager la convivialité dont chacun peut s’enrichir par la découverte de l’autre.  Un véritable pied de nez à cet individualisme latent de notre société qui déserte ces lieux ! Devoir de mémoire : je pense aux bistrots du village de mon enfance,  à l’époque, j’en recense huit, aujourd’hui je n’en vois plus que trois. Tout comme les raisons de ces disparitions… la vie qui se délite en campagne, la déesse Hygiena devenue reine et le rapport antinomique de l’ivresse et du volant. Le récit incite et séduit à l’idée d’un pèlerinage breton d’un genre « mauvais pour le foie » mais plutôt bon pour la foi en l’Homme. Habitué des bistrots rennais, mon empathie est inscrite dans mes gènes, je n’ai pas beaucoup d’esprit critique à l’égard de ce livre. Il m’aura permis de pointer un regard autre sur mon troquet de quartier. Peut-être qu’au lieu d’acheter mon journal ou mes clopes je prendrais le temps d’y boire un café ou qui sait… un ballon de vin rouge en pensant à mon aïeul, lui l’habitué du bistrot un peu trop vite parti pour m’enticher de plus amples souvenirs… N’hésitez pas à vous jeter sur ce livre ! Et vous en sortirez avec de belles convictions !

Benjamin Vannier