Ubutopik

Des histoires qui se vivent

Catégorie dans Les acteurs de la scène locale

Canal B fête ses 40 ans

Radios libres, fanzines, cafés-concerts… les années 1980 ont semé un vent de liberté dans le milieu culturel. Le Do it yourself (Faites-le vous même) a permis d’ouvrir une autre voie, celle de l’alternative. Et quel souffle ! Un paquet de passionnés ont pris la parole et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils ont fait bouger les lignes. Dans le domaine musical, ils ont favorisé l’émergence de groupes ignorés par les médias classiques. Indépendants, activistes, dénicheurs de talents… peu importe l’adjectif ou le nom qu’on leur attribue, ces acteurs de l’ombre sont allés au bout de leurs propos. En cassant les codes, ils sont devenus les pionniers d’un nouveau genre de traitement de l’information. Oui, mais qu’en est-il aujourd’hui ? À l’heure d’Internet et des réseaux sociaux, que sont devenus ces intermédiaires qui donnaient à réfléchir ?

À Rennes, il existe encore des irréductibles. Canal B est née en 1984 et 40 ans plus tard, elle est toujours là. Pirate. Oui, c’est de cette façon que l’histoire de cette radio associative débute. Pendant presque dix ans, sa fréquence a oscillé entre 87 et 104 MHz : loin des podcasts, il fallait jouer des potards pour la trouver. Dans ses toutes jeunes années, la radio démarre en club à la MJC de Bruz (le B de Canal B correspond à la première lettre de cette ville). À cette époque, elle n’émettait que le week-end mais elle a très vite élargi ses créneaux à la semaine entière (avant de passer à 24 h/24 h). En 1986, des recrues issues de Radio Savane (qui devient une franchise de Fun Radio cette même année) arrivent aux côtés des débutants. Des gens férus de musique qui galvanisent les troupes ! Avec eux, Canal B devient une référence punk rock comme le rappelle Yann Barbotin (programmateur musical et journaliste culturel à Canal B) : « à la fin des années 1980, on entendait Sonic Youth, les Pixies, un peu de Rap et de musiques Electroniques. À ce moment-là, à part dans les émissions de Bernard Lenoir sur France Inter, on n’entendait pas ces genres de musique à la radio » (réf. Corlab).

Une radio qui ouvre l’horizon… et qui n’hésite pas à s’investir hors les murs. La musique est au cœur des actions de Canal B. Un engagement porté par ceux qui ont participé à la faire connaître. Yvan Penvern est l’un d’entre eux. Il commence comme bénévole à la technique pour l’émission Les Grignou. Par la suite, il devient le premier salarié de la structure et en est nommé directeur jusqu’en 2012. C’est avec lui que Canal B obtient des locaux au Grand Logis à Bruz : un espace qui intégrait l’asso à un ensemble culturel plus vaste (avec cinéma, médiathèque…). L’engagement dans Ferarock (Fédération des radios associatives musiques actuelles), c’est lui. Il est aussi l’un des fondateurs du Jardin Moderne : une asso rennaise qui est née de la volonté de proposer des lieux de répétitions et de concerts aux musiciens. Le monsieur a compté et il a longtemps été décrit de cette façon sur les pages de Canal B : « Yvan Penvern, [la voix rauque …] un sourire à faire pâlir d’envie Colgate, 1,82 m, cheveux noirs, yeux noirs. Spécialité : Mister History of a rock city. Activiste de la rockitude éclairée. Également directeur chef chef de la radio, le tout d’une main de fer dans un gant en matière moderne, souple, douce et qui sèche vite. » (réf. Ouest-France, 28/08/2012). Il est décédé depuis déjà plus de dix ans mais les chantiers qu’il a menés ont inscrit la radio dans la vie culturelle du territoire. Et pour ce faire, il était important d’être basé à Rennes…

En 2007, l’équipe salariée et les bénévoles déménagent dans les locaux du centre commercial du Gast, à Maurepas. Ils y restent jusqu’en 2015. Depuis neuf ans, c’est à la Maison des associations (6 cours des Alliés) qu’ils ont posé leurs valises. Côté technique, les changements sont tout aussi notables : le 13 mai 1992, Canal B passe officiellement au 94 MHz… ce qui veut dire qu’elle devient une fréquence autorisée. Pirate elle ne l’est plus, mais libre elle le reste. Pour le comprendre, il suffit de jeter un œil à la grille des programmes d’aujourd’hui : cinéma, musique, théâtre, littérature, écologie, féminisme… Il y a 59 émissions (55 produites par Canal B et 4 extérieures) qui vont des plus originales (94 degrés à l’ombre, Bonjouir, Gabuzomix, Gymnastique sonore) aux incontournables (Zion Highway, FTS, Ost Berlin, Les Ateliers radiophoniques), en passant par celles de la première heure (Blueshit, Kérozène, Lollypop, Un poco too much, Plume et Pinceau, Les Grignou)… Pour en avoir une idée plus précise, il ne faut pas hésiter à regarder le référencement sur le site Internet. La liste est foisonnante ! Et puis, il y a cette façon de présenter qui est propre à chacun. Les débutants, les anciens, les professionnels… tous se côtoient avec leur différence. Passé, présent… quelque soit la génération, une bonne moitié continue aussi à privilégier le direct… Certains d’entre eux apportent même des vinyles. Et oui… À l’heure du numérique, il est inévitable de préciser qu’aux débuts de Canal B cette galette était LE support pour passer de la musique. Thibaut Boulais – qui a été bénévole dès l’âge de 12 ans et président une douzaine d’années – en parle ici : « la radio me donnait 50 francs par mois pour aller acheter des 45 tours au magasin Rallye de Bruz. Je passais des heures dans le rayon pour ne pas me planter » (réf. 20 minutes, 2014). Quant au direct, il l’évoque aussi dans les manifestations extérieures comme les Pyjamas Parties, des soirées qui étaient organisées le dimanche dans l’ancien café-concert Les Tontons flingueurs : « c’était plein à chaque fois, les groupes venaient jouer en acoustique, Deus, Miossec, Benabar, Louise Attaque… De supers moments. » (Ouest-France, 2014). Les salariés continuent aujourd’hui de sortir des locaux. Ils proposent des projets d’éducation aux médias, des reportages (quotidienne d’info locale)… mais aussi des émissions qui prennent part aux manifestations culturelles de la Métropole.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur Canal B tant elle garde cette aura propre aux radios libres. Avec 6 salariés et 98 bénévoles, la grille offre une diversité d’émissions qui ne pâlissent pas sous le poids des années. Tout se raconte sur Canal B. Il n’y a pas de règles… mais l’originalité, l’éthique et l’engagement accompagnent chaque projet. Artistes émergents, musique (tout genre confondu), parole donnée aux invisibles et à ceux qui agissent (pour l’environnement, pour le dynamisme du territoire et contre les discriminations)… « la radio curieuse » porte bien son nom. Dans une société devenue trop conformiste, elle favorise l’échange et l’esprit critique. Certes, les générations passent mais la liberté d’expression perdure. Comme quoi, même après 40 ans Canal B est toujours animée par la flamme de ses débuts !

Caroline Vannier

Sur le web :
https://www.canalb.fr/
https://www.facebook.com/CanalB
https://www.instagram.com/radiocanalb/?hl=fr

Amandine, fondatrice du webzine Culture METAL (hiver 2022-2023)

Cheveux bouclés et tout de noir vêtue, Amandine Briche est une silhouette qui compte dans la scène Metal Rennaise. Les années passent et elle ne ralentit pas. Déjà 8 ans, qu’elle s’investit quasi quotidiennement dans le webzine Culture METAL. Ce média, elle l’a d’abord conçu sous la forme d’un site Internet puis elle l’a très vite étendu aux réseaux sociaux. Toutes les informations y sont traitées comme des brèves journalistiques : une ligne éditoriale claire, centrée sur l’actualité et la rétrospective. Dans ce zine consacré aux musiques extrêmes, pas de critiques d’albums et très peu d’interviews. La fondatrice a dédié son projet à l’instant présent. Elle tient à garder un ton neutre pour restituer au mieux la réalité des concerts.

Culture METAL prend ses racines dans le live. Sur le fond et la forme, le webzine a été pensé comme une passerelle entre les spectateurs et les groupes. Amandine a cette volonté d’ouverture : elle cherche à convaincre les gens de découvrir les artistes sur scène. Le Metal se vit en direct et c’est seulement à partir de là que chacun peut se faire son opinion. Elle, refuse de la donner dans ses articles. Elle ne veut en aucun cas influencer ses lecteurs : son but est de retranscrire ce moment qu’est le live pour susciter l’intérêt. Pour continuer à interpeller, elle invite même, ceux qui méconnaissent ce genre musical, à consulter la rubrique « Musiques extrêmes (reviews & interviews) ». Les galeries photos ne manquent pas non plus. Du texte à l’image, elle ne cesse d’apporter les preuves que les concerts de Metal sont singuliers et bien vivants.

En musique, tout se passerait-il sur scène ? C’est en tout cas dans cette direction qu’Amandine porte son regard. Hellfest, Motocultor, Metal Days… elle n’hésite pas à fouler les kilomètres pour aller à la rencontre du spectacle vivant. En France ou à l’étranger, les grands comme les petits festivals attisent sa curiosité. Chaque semaine, elle passe aussi au crible l’actualité des cafés concerts de la région Rennaise et Nantaise. Là encore, elle se déplace beaucoup. Avec son appareil photo, elle fige les mouvements des artistes depuis la fosse. Elle le fait au gré des demandes d’accréditations mais pas que… Oui, il lui arrive de venir les mains dans les poches pour s’imprégner de l’ambiance au milieu de la foule. Amandine est avant tout une passionnée et c’est ce qui fait la force de son webzine. Une appétence artistique qui la mène à élargir ses sujets… À l’image du festival Metal Culture, elle aime évoquer tous les arts qui s’inspirent de ces musiques de l’extrême. Un champ des possibles qu’elle continue d’agrandir, en couvrant des événements comme Court Métrange (cinéma) ou encore les TransMusicales (émergence de nouvelles formes artistiques).

Amandine Briche donne de son temps pour parler des artistes. Elle le fait sans contrepartie. Et c’est du travail ! Beaucoup de travail ! Son webzine est consulté, soutenu et connu par bons nombres de personnes. Un joli parcours animé par la seule volonté de partager. Le Metal est décidément servi par des gardiens et gardiennes bien dévoué·es.

Caroline Vannier

1 – Ta définition de la culture Metal ?
Je ne pense pas qu’il y ait de contours définis. Je verrai plutôt ça comme un système stellaire avec des planètes qui gravitent autour. Ce genre, on le trouve dans toutes formes d’art : cinéma, théâtre, littérature… On peut aussi voir ça comme un puzzle avec plein de pièces qu’on assemble.

2 – Combien de concerts et de festivals couvres-tu par an ?
À une époque, j’en ai fait beaucoup mais aujourd’hui, j’essaie d’en couvrir moins. Au début, c’était plusieurs fois par semaine, surtout à l’époque du Mondo Bizarro. Je ne vais pas que dans les festivals de musique, je fais aussi ceux dédiés au cinéma. Appeler le webzine Culture METAL était une façon d’intégrer plusieurs formes d’arts à cette musique. Ce que je préfère, ce sont les festivals pluridisciplinaires comme Metal Culture. Tous les ans, je couvre aussi le Hellfest, le Motocultor, les TransMusicales

3 – Entre les live report et les annonces de concerts, combien de temps consacres-tu par semaine à Culture METAL ?
Je suis au-delà des 35h ! Sans rire, c’est surtout que je ne compte pas mon temps. Je ne peux pas être en festival et écrire du contenu en même temps. Mon planning est donc irrégulier. Il y a aussi des moments où je vais moins en faire et d’autres où je vais enchaîner. Par contre, il y a au moins une publication par jour sur facebook, instagramm et le site Internet. J’essaie de proposer des contenus différents pour tous ces supports.

4 – Combien de personnes travaillent avec toi ?
Je ne compte pas. Je n’enferme pas les gens dans Culture METAL: ils sont libres d’aller et venir comme ils veulent. Il y a des contributeurs photos et reviews. Pour ma part, je ne fais pas du tout de critiques de groupes ou de films. Je préfère retracer l’histoire d’un groupe.

5 – Pour toi, qu’est-ce qu’un bon live report ?
Je ne sais pas. Pour être franche, je ne sais même pas si je fais du live report. Jusqu’au Covid, je mettais en place des galeries photos accompagnées d’un texte et de la set list. Maintenant, j’essaie de faire le live report de l’événement. Un bon live report doit monter la diversité d’un événement. Il ne faut pas non plus montrer ses sentiments, on axe sur des faits. Tout doit rester objectif.

6 – Et une bonne photo de concert ?
C’est à la fois artistique et technique. Il faut maîtriser la lumière. Je préfère les photos sombres que lumineuses : elles sont beaucoup plus proches de la réalité. Saisir l’instant aussi, c’est très important.

7 – À ton avis, quelle place à ton webzine aujourd’hui ? Quel rôle joue-t-il ?
Culture Metal a gagné en importance. J’ai des demandes d’accréditations de pas mal de festivals : j’en reçois par mails de la part de contacts que je ne connais pas. Culture METAL doit figurer dans des mailings lists, ce qui n’était pas le cas au début. Pour les groupes de musique, c’est différent. Ils ne connaissent pas toujours mon travail : ils cherchent beaucoup à se faire chroniquer, ce que je ne fais pas.

8 – Tes références musicales ?
J’ai des goûts très éclectiques qui vont de la musique Classique au Metal. Je suis tombée dans le Metal avec des musiciens comme Marilyn Manson, Nine Inch Nails, Ministry

9 – Et pour le cinéma ?
C’est surtout grâce aux festivals comme Travelling que je me suis vraiment intéressée au cinéma. Pour les réalisateurs, je peux citer des personnes comme James Cameron, Christopher Nolan et Peter Jackson. Pour les séries, j’aime bien ce que fait Ronald D. Moore. Il a commencé par Star Treck et Battlestar Galactica. Aujourd’hui, il est sur For All Mankind.

10 – Qu’est-ce qu’on te souhaite dans l’avenir ?
Rester en vie suffisamment longtemps pour continuer mon projet. Faire une compilation de tout ce que j’ai fait, mettre de l’ordre dans mes archives… Faire un livre sur toutes ces années !

Sur le web :
https://culturemetal.com/?fbclid=IwAR1zM1GhWTKtVFMj9yjX5QhHs4PxWvN9S5rCE6c3qvcCdULeJqD243_Sb_E
https://www.facebook.com/culturemetalpress

Sébastien Blanchais, passeur et musicien

Sébastien Blanchais trace sa route depuis plus de vingt ans. Responsable d’un label, disquaire, organisateur de concerts, musicien… Au fil des ans, il s’est fait passeur d’un style qui ne vieillit pas. Intermédiaire indispensable entre le public et le monde du rock, il a su insuffler un goût d’ailleurs à travers son magasin Rockin Bones et son label Beast Records. Quiconque jettera un œil rue de la Motte Fablet le comprendra : pousser les portes du shop de Seb ouvre l’horizon, à l’image d’un road trip musical. Un voyage immobile qui mène forcément quelque part en Europe, en Australie, aux États-Unis… mais aussi à Rennes avec sa scène locale. Ici ou à l’autre bout du monde… Rock d’hier et d’aujourd’hui, les années passent sans se ressembler… Un adage qui sied sans doute tout autant au genre musical qu’à celui qui le défend.

Le métier de disquaire a connu bien des tourments ces dernières années. Concurrence, Covid, dématérialisation… Face aux plateformes et aux géants du commerce, le magasin de Seb a pourtant tenu bon. Le public favoriserait-il une identité forte plutôt qu’une offre pléthorique ? Toujours est-il que la difficulté ne l’a jamais contraint. Même quand le vinyle a failli disparaître, le disquaire a continué de le vendre, tout comme il le fait aujourd’hui avec le CD et la cassette. Chez lui, tous les supports ont leur place à condition que l’enregistrement soit de qualité. Implanté depuis deux décennies dans une cour intérieure du centre ville, le lieu a du caractère… mais vous l’aurez compris, c’est surtout entre les murs que ça se passe. Le taulier connaît son affaire : il propose une vraie sélection et sait raconter l’histoire de ceux qui façonnent la musique. Rockin’ Bones offre une belle singularité dans le paysage local. Une particularité qui a pris le temps de se construire : « oui, tout s’est fait progressivement. J’ai monté le shop en 1998 avec très peu de choses. Avant de déménager ici, il était situé rue Legraverand (jusqu’en 2000). Depuis qu’on est là, ça s’est franchement agrandi ! On trouve pas mal de labels indépendants. On travaille sur la musique qu’on connaît. C’est devenu une adresse bien connue des musiciens de Rennes. » La façon dont Seb Blanchais exerce son métier est étroitement liée à ses aspirations musicales. Passionné avant tout, il parle à cœur ouvert des artistes qu’il défend. Ceux qui en mots et en musique savent dire le monde. Ceux qui ont su créer un son unique. Des références ? Le monsieur nomme volontiers des musiciens comme Spencer P. Jones, les Stooges, Alice Cooper, les Dead Boys mais aussi les Cramps, le Gun Club ou les Beasts of Bourbon : « des gens qui ont su restaurer des vieux styles. C’est grâce à eux que j’ai découvert les pionniers. » Les vieux styles justement… Rythm and blues, rockabilly, country… le rock est né d’influences multiples qu’il est bon de ne pas oublier. Des genres qui « n’ont pas toujours été populaires » et qui méritent d’être découverts par le public d’aujourd’hui. C’est ce que Seb invite à faire. En bon passeur, il transmet une musique qui a parfois été mal comprise. Mettre en avant, communiquer, véhiculer… il faut croire que du shop au label, il n’y a qu’un pas…

Dans l’imaginaire collectif, Londres est sans doute considérée comme la capitale du rock, de la pop et du punk. Pourtant, d’autres pays ont brillé dans ce domaine et continuent de le faire. L’Australie en est un parfait exemple : « à Melbourne, il doit y avoir 130 clubs. Chaque jour, il y a environ 400 groupes à y jouer. J’ai toujours préféré la musique australienne. En terme de talent, c’est juste incroyable. Tous les labels indépendants ont 6 ou 7 groupes qui viennent de là-bas.» Seb n’a pas seulement créé un label, il a réussi à instaurer « un pont avec l’Australie ». Représentés par Beast Records, ces artistes du bout du monde viennent parfois jouer à Rennes. Il arrive que les groupes d’ici traversent aussi l’océan pour participer aux « festivals Beast, au Tote (l’un des clubs légendaire de Melbourne) ». Aux côtés des musiciens rennais et australiens, on retrouve des formations américaines, allemandes, finlandaises, espagnoles, suisses… Le label ne connaît pas de frontières et c’est, en partie, ce qui fait sa force. Il est aussi le résultat d’un travail d’équipe : « il y a Romain dans le label qui s’occupe de tout l’administratif. Il fait aussi les affiches et pas mal de pochettes : sans lui, rien ne serait possible pour Beast ». Une belle façon de voir la musique mais qui serait incomplète sans les live…

Le label n’existe pas sans les concerts. Seb est disquaire mais pour lui l’enregistrement n’est pas une finalité : « le rock, ça reste un truc physique. Un concert à lui seul peut changer la couleur d’un disque. » Au fil des années, il n’a cessé d’abolir les frontières entre studio et spectacle vivant. Il n’enferme pas le rock : dès qu’il le peut, il le confronte à un public. Avec 250 albums à son actif (2-3 disques par mois / 15-20 par an), le label Beast Records fêtera ses 20 ans en 2023. Une année qui se passera sur scène à Rennes (dans des salles comme la Cité) mais aussi à Binic. Un anniversaire auquel participeront les groupes du label et… qui sait ? Crocodile Boogie aura peut-être l’occasion d’y jouer un ou deux sets ? Et pour cause, Seb y officie en tant que chanteur et même compositeur (il a aussi été frontman chez Head on). Deux formations talentueuses qui, elles aussi, ont su réinventer les classiques. Oui, la musique vue par Seb Blanchais offre décidément des ponts à tous les niveaux ! À travers son groupe, il n’est pas rare qu’il porte des morceaux d’artistes plus ou moins connus : des interprétations de qualité qui donnent encore une fois, du sens au live.

Chaque parcours est unique mais celui de Seb ne laissera personne indifférent. Porté par sa passion pour la musique, il a donné une nouvelle voix au rock : un point de vue et un sens de l’écoute qui fournissent une définition élargie du genre. Par ses initiatives, il a su rassembler des talents d’hier et d’aujourd’hui. Beast Records et Rockin’ Bones continueront d’écrire l’histoire de ce style pendant bien longtemps, c’est certain. Un dernier mot ? Ici et maintenant… le rock n’a peut-être jamais été si vivant.

Caroline Vannier

Sur le web :
https://www.beast-records.com/
http://rockinbones.fr/
https://www.facebook.com/headontheband
https://www.facebook.com/profile.php?id=100044100761333

Louis Carrese, 5 ans de présidence au Jardin Moderne (décembre 2021)

Quand on lui parle des années passées à la présidence du Jardin Moderne, Louis hausse les épaules et avoue : « je ne sais pas, je n’ai pas compté ». Occupé, il l’a été. Investi, c’est indéniable ! Passage à une codirection, changement de régisseur, projet égalité des genres… Il en a suivi des dossiers mais à quelle place exactement ? En quoi consiste le rôle d’un président ?

Le Jardin Moderne est une association de loi 1901 composée d’un comité d’administration (CA) et d’un bureau. Les membres élus sont bénévoles et se retrouvent au minimum une fois tous les mois et demi. Ils font partie d’un maillage démocratique qui nécessite la validation de certaines orientations impulsées par les salariés de la structure. Ils écoutent, débattent, s’informent, votent et participent : « il y a des réunions, des groupes de travail, des veilles guidées (actualités, informations, mails)… », explique Louis tout en précisant que « ça reste une activité bénévole. ». Certes, le temps d’engagement diffère selon les postes et les envies de chacun… mais le ou la président(e) est forcément plus sollicité(e) que les autres : « on endosse un rôle d’employeur. J’ai participé à la mise en place de la codirection et à des recrutements. Pour les urgences comme les crises RH au début du confinement en 2020. Là aussi, il y a forcément un investissement ». Mais ce n’est pas tout…. il y a également l’image, celle d’une position plus exposée qui devient quasi politique : « il y a deux aspects. Une partie est plutôt dirigée vers l’intérieur et là, c’est plus une figure de confiance pour les bénévoles et les salariés. Et l’autre qui est tournée vers l’extérieur avec une vie sociale qui change un peu. On devient une figure du Jardin à l’extérieur, un personnage public. » Les prises de parole « font aussi partie du job » lors des moments forts comme les assemblées générales : « ça s’apprend sur le tas mais j’ai un peu l’habitude de tenir des réunions au boulot. Ça aide. » D’accord, ça c’est pour l’aspect pratique… mais qu’en est-il de la personne ? Qu’est-ce qui a mené Louis Carrese à la présidence ?

« Je suis parti de Paris qui me faisait chier. Quand je suis arrivé à Rennes, j’ai gardé le même boulot mais je me suis rendu compte qu’il faisait chier aussi. Je voulais faire autre chose à côté et c’est comme ça que je suis rentré comme bénévole au Jardin », une explication simple, cash et précise… et la suite qui coule presque de source… Après un an de CA, Louis devient vice-président puis président : « c‘est avec Hélène – présidente de 2010 à 2016 – que j’ai commencé à en discuter. Elle cherchait quelqu’un pour prendre sa suite. Je suis arrivé à un moment où il y avait besoin de renouvellement dans la gouvernance associative. Il y avait aussi une envie de changement, de remettre de l’élan dans tout ça. Les gens me connaissaient déjà au Jardin, je faisais beaucoup de soirée en tant que bénévole. » Et d’ailleurs, faut-il être dans le milieu pour assurer cette fonction ? Niveau professionnel, Louis est assez éloigné du monde de la culture. Il est freelance dans l’informatique : « je produis des logiciel », précise-t-il. Il lui arrive de collaborer avec des acteurs locaux comme Canal B pour qui il a réalisé le site Internet avec Marc Blanchard au graphisme . Il a aussi dépanné et donner des conseils en informatique (bénévolement) aux salariés du Jardin. Précédemment, il a également évoqué une prise de parole facilité par son travail… mais les liens s’arrêtent là. Pourtant… il a très vite pris ses marques à la présidence. Un paradoxe ? En quelque sorte… C’est peut-être justement ce qui explique cette expérience réussie : venir de l’extérieur permet d’avoir le recul nécessaire pour écouter, comprendre, soutenir et apporter un autre œil sur la structure. Oui… mais ça, c’est sans compter la passion ! Au-delà d’un lieu associatif, le Jardin Moderne est un terreau pour les musiciens… et c’est une des raisons pour laquelle Louis en a franchi les portes.

Louis est venu au Jardin pour les concerts mais aussi pour répéter. Il est musicien depuis l’enfance. À l’âge de 10 ans, il apprend à jouer du saxophone : « je viens d’une famille de musiciens. Quand je suis parti de Marseille pour Paris, c’était plus compliqué de faire du saxo. Je me suis mis à la MAO, au clavier… et j’ai récupéré une basse. J’adore quand un instrument groove mais c’est aussi plus facile de trouver un groupe quand on est bassiste que saxophoniste. » Tout le monde n’est pas obligé de toucher à un instrument pour en parler mais il y a parfois des détails qui ne trompent pas. Louis sait profiter des concerts mais il a vrai regard sur ceux qu’il écoute : « j’aime comprendre la démarche de création. Quand je vais voir un groupe, c’est ça que je cherche à repérer. Peu importe le style. » Quand on le lance sur le sujet, il peut citer une dizaine de références. Des artistes vus en live… ou bien des albums piochés au hasard des rayonnages : « Peter KernelI’ll die rich at your funeral White death and black heart (2011), c’est eux qui m’ont mis dans les musiques plus « rock », c’est du coup avec eux que j’ai commencé à comprendre la prog d’assos comme KFuel et que je suis rentré dans le circuit des caf’conc’ à Rennes. GabléTropicoolJolly trouble (2016), ils représentent assez exactement la phrase « on peut être sérieux dans la déconne ». GRP All-starThe sidewinderGRP All-star big band (1992),  j’ai grandi dans un milieu de jazz qui groove et que ça a le goût d’une madeleine (fourrée à la confiture (avec supplément chantilly)). HausmeisterPumerHausmeister (2000), parce que c’est du bricolage de blips et de blops et que ça fonctionne, et parce que c’est ma pépite des disques empruntés au hasard dans les médiathèques. Joao BoscoDois mil e indioGagabiro (1984) parce qu’on entend rarement un sourire aussi distinctement sur un enregistrement. »

Six… presque sept ans passés au comité d’administration… et cinq à la présidence. En mai 2022, Louis quittera ses fonctions lors de la prochaine assemblée générale. Le président – redevenu simple élu au CA – a laissé son siège à Marilyn Berthelot en juin 2021 mais il part serein avec des souvenirs plein la tête. Il est clair que Louis Carrese laissera une empreinte de son passage. Oui, une empreinte… mais il ne faut pas trop lui répéter. Pour lui, l’engagement associatif respire l’abnégation : « le Jardin, c’est un renouvellement permanent et je pense que c’est là-dessus qu’il faut continuer à travailler. » Serait-ce là le vrai sens de la démocratie ?

Caroline Vannier

La Crypte a 20 ans (automne 2021)

Death, thrash, grind core… sur Canal B, la Crypte raconte les musiques extrêmes de France et d’ailleurs. Peu d’interview, pas de temps mort… mais pendant près de 2h00, Damien et Lorène passent des morceaux peu (ou pas) représentés à la radio. Oui, du metal avec des accents parfois quasi « inaudibles »… et c’est tant mieux ! Il serait dommage de limiter l’écoute de cette musique brutale, anticonformiste et si diversifiée. Pari réussi ! Depuis 20 ans, la Crypte se fait l’écho de ces sons sombres et rageurs, un vendredi sur deux, entre 23h00 et 1h00.

Deux décennies… cette longévité, Lorène et Damien ne l’expliquent pas. Ils se rappellent du jour où ils ont proposé l’émission à la direction de Canal B. Ils se souviennent aussi des différents locaux qu’ils ont arpenté au fil des déménagements de la radio… mais cette musique, celle qu’ils écoutent depuis l’adolescence, reste le fil conducteur de leur aventure. Au gré des années, des idées ont germé, d’autres ont été abandonnées… mais peu de gros changements dans la façon de présenter. Pour le duo, pas question de recourir à l’enregistrement ou de modifier quoi que ce soit : tout se déroule sans filet, quitte à faire des « pains ». Une approche qui respire l’ère des radios libres : du direct, une playlist (piochée sur CD, vinyles et Internet) et surtout ce lâcher prise qui donne de la fluidité à leurs échanges. Les animateurs ne boudent pas pour autant les autres médias. Ils utilisent podcasts et réseaux sociaux, des outils ancrés dans le quotidien qui permettent d’étendre auditeurs et propositions musicales… La seule différence avec les pratiques d’aujourd’hui : personne ne verra les présentateurs de la Crypte s’adonner au jeu de la mise en scène. Sur leur page Facebook, des photos sont postées régulièrement… mais aucune d’eux… pas de vidéo non plus. Ils n’ont même pas encore communiqué officiellement sur les 20 ans de l’émission. Cet anniversaire, ils l’ont fêté en toute discrétion, à l’antenne : « oui, on fera quelque chose » avouent-ils en laissant pas mal de points de suspensions… « on a pas eu le temps mais on va y réfléchir » concluent-ils. Dévoués à leur musique, ils le sont… anticonformistes, sans doute un peu aussi.

La singularité. C’est ce qui résonne quand on parle de tout ce qui entoure la Crypte. Un truc qu’on retrouve dès le générique. Un montage « fait maison » diablement efficace qui mélange films d’horreur et metal. Et ce n’est pas un hasard… Un lien ténu existe entre ces deux approches artistiques : le genre horrifique (voire gore) se retrouve dans l’esthétique d’un bon nombre de musiques extrêmes… Un point qui fascine les présentateurs depuis un paquet d’années et qu’ils ont choisi d’aborder par la figure de Cthulhu dans la Crypte.

Après 487 émissions, Damien et Lorène ne regardent pas en arrière. Bien au contraire. Ils avancent, mènent leur propre route… mais toujours à la nuit tombée. Tard le soir, les bureaux sont vides et le direct n’est plus la norme mais… eux, ils continuent. Oh, il arrive que de nouveaux animateurs s’y essaient ! Et quand ça se produit, ils n’hésitent pas à donner un coup de main pour transmettre l’antenne : un moment délicat mais qui fait toute l’essence du live. Après tant d’années, ils ne sont pas blasés… parler musique autour d’une bière, échanger sur les films d’horreur et sur ce qui leur plaît à la radio… Oui, même 10 minutes avant la prise d’antenne, ils discutent en toute décontraction. Mais… il y a quand même cette petite zone d’inconfort qui traverse leur regard juste avant de brancher les micros… Un truc éphémère qui ressemble à ce que ressentent les musiciens avant de monter sur scène. Ah, l’appel du live ! Quand on y goûte, impossible d’y renoncer.

Caroline Vannier

Interview spécial 20 ans

1 – 20 ans, ça donne le vertige ?
Lorène : ça donne un coup de vieux !
Damien : l’émission n’était pas prévue pour durer si longtemps.

2 – Les débuts, ça ressemblait à quoi ?
Damien : c’est une idée de Lorène !
Lorène : ah non, on s’en fout !
Damien : mais si, c’est ton idée. C’est quand même important de le dire.
Lorène : il y avait un créneau qui était occupé depuis longtemps. Une émission qui s’appelait Pourceau 2012 Expérience animée par Cyril et plus tard (par et avec) Aymeric. Aymeric que je connaissais un peu m’a invité à Bruz (les locaux de Canal B de l’époque) : il continuait l’émission tout seul mais il envisageait de partir 1 an. J’ai alors contacté Yvan – feu l’ancien directeur de Canal B – pour proposer de reprendre le créneau en attendant. On a fait une maquette et ils nous ont dit qu’il valait mieux que Damien anime et que je gère la technique (rires).
Damien : quand Aymeric est revenu, on a fait notre émission en alternance avec la sienne.
Lorène : on faisait un vendredi sur deux et puis il a arrêté. On a récupéré le créneau toutes les semaines.
Damien : au Gast (locaux précédents de Canal B), on faisait toutes les semaines et après un certain nombre d’années, on est passé à tous les 15 jours.
Lorène : quand on passe toutes les semaines, il faut se renouveler ! Quand j’ai commencé à travailler chez Garmonbozia, j’étais moins disponible aussi.
Damien : avec un ami Gaël, on a aussi fait une émission qui s’appelait AZZ FUNK, qui a duré 3 ans à la place du créneau d’Aymeric.
Lorène : il faut peut-être qu’on parle du thème de l’émission non ?
Damien : oui, au début de la Crypte on a décidé de partir sur la tranche extrême du metal. On voulait proposer une émission dédié à un genre musical qui ne passait pas à la radio.

3 – Le direct, ça se prépare comment ?
Damien : c’est une émission qui se veut spontanée, sans filets. Quitte à faire des pains, on y va. Le fait de revenir tous les 15 jours met en place une forme de ritualisation aussi.
Lorène : il y a aussi le choix de la playlist. C’est plus Damien qui s’y colle.
Damin : oui, je prépare une playlist et Lorène peut ajouter ou retirer des morceaux juste avant de démarrer l’émission.
Lorène : on est de plus en plus flemmards ! Avant, on faisait des montages et on mettait des extraits de films avant de passer les morceaux.
Damien : c’est une émission qui se veut musicale et l’idée n’est pas de parler pendant 2h00.

4 – Une ou des émissions inoubliables ?
Lorène : tous les EUROGORETVISION ! C’était un peu l’Eurovision du metal. On invitait des potes qui jouaient les membres du jury.
Damien : ça fait longtemps qu’on a arrêté ! On diffusait un groupe par pays et on donnait des notes pour avoir un classement à la fin. C’était comme l’Eurovision mais avec un jury bien partial !

5 – Qui est à l’origine du générique ? A-t-il bougé en 20 ans ?
Lorène : c’est Damien !
Damien : c’est complètement artisanal. Au début c’était le morceau « Killer of Trolls » d’Impaled Nazarene. Plus tard, j’ai acheté un MD (Mini Disc) et j’ai commencé à faire des samples avec. J’ai ajouté un extrait de film d’horreur aussi. Le générique d’aujourd’hui est fait d’assemblages.

6 – Si je vous dis archéologie musicale ?
Damien : ah oui ! J’ai découvert le style en 1987 avec un gars qui écoutait ce style. Le mec portait une veste à patchs, des baskets à languettes et un jean slim. Et le jean slim, c’était pas franchement à la mode à l’époque ! Bref, le style de musique qu’il m’a fait découvrir m’a tout de suite intéressé. Moi, j’écoutais du thrash mais lui et ses potes, c’était carrément du death metal !
Lorène : j’ai découvert vers 17-18 ans. J’avais fugué cette nuit-là du côté des Horizons et le pote chez qui j’étais, écoutait le groupe Death.
Damien : dans cette musique, il y avait aussi les pochettes et cette calligraphie qui n’existait nulle part ailleurs.

7 – Par quels groupes commencer quand on veut écouter du death, du thrash et du grind crore ?
Lorène et Damien : pour le death, les groupes Death et Morbid Angel. Pour le thrash, Metallica et Slayer. Pour le grind core, Napalm death et Mortician, de la proto musique néandertalienne.

8 – Pendant la pandémie, avez-vous poursuivi l’émission ?
Damien : les locaux de Canal B étaient fermés. On a enregistré quand ils étaient ouverts mais il y en a eu très peu.
Lorène : on était pas en direct mais on faisait tout comme. On enregistrait l’émission d’une traite mais c’est pas pareil.

9 – Comment s’organise les interviews ?
Damien : je suis mauvais pour les interviews. Quand il y en a, c’est Lorène qui les fait.
Lorène : on ne démarche pas pour les interviews, on en a donc peu mais on ne cherche pas non plus à en avoir plus.

10 – Écoutez-vous d’autres émissions radio ?
Damien : oui, j’aime bien la radio. J’écoute Fip, par exemple.
Lorène : j’en écoute tous les jours. Je me lève et je mets France Inter. J’aime bien les émissions Affaires Sensibles et Ondelate Raconte.
Damien : j’aime beaucoup le cinéma aussi mais je passe plutôt par YouTube pour ces émissions.

11 – Selon vous, qu’est-ce qui fait la recette d’une bonne émission ?
Lorène : l’entente, la spontanéité…
Damien : l’authenticité, l’humour et une forme de fluidité.

12 – L’évolution de la scène metal en 20 ans ?
Damien : en France, il y a eu une démocratisation du metal. Il s’est popularisé grâce au Hellfest. Pour les musiciens, le changement de production au niveau technique, beaucoup plus qualitative. Avant ça, c’était très Do it yourself.
Lorène : aujourd’hui, même si les groupes ne sont pas professionnels (ne vivent pas de la scène), ils ont un manager, un tourneur… ils ont toute une équipe derrière eux. Aussi il y a pléthore de groupes aujourd’hui !
Damien : pas mal de styles qui avaient disparu réapparaissent aussi aujourd’hui.

13 – Un mot sur Cthulhu ?
Lorène : nous sommes Cosmicistes !
Damien : ce qui est caché, l’ésotérisme… On a voulu coller à l’un des thèmes qui est utilisé dans le metal, comme le gore, les zombies, le satanisme et le mythe de Cthulhu. Entre toutes ces images, on a préféré le mythe de Cthulhu.

14 – Un souhait pour les années à venir ?
Découvrir encore plein de groupes et continuer à prendre du plaisir à faire l’émission !

Sur le web :
https://www.facebook.com/LaCrypte666
http://www.canalb.fr/?fbclid=IwAR0CgbWIwgbr6QjWHnnPnwRyNqoBebg_OnSQpRlvO_iZqCcap0-Wn36vnCI

Ideal Crash (été 2021)

À Rennes, de nouveaux labels apparaissent chaque année… et ils ont tous leur identité propre. Un paysage contrasté tant par la variété des styles qu’ils proposent, que par leur façon même d’exister. Création éphémère, idée mûrement réfléchie, implication du moment pour soutenir un projet musical…. Le point de départ ne prédestine en rien la suite de l’histoire. Certains acteurs se structurent très vite (souvent en association), d’autres attendent… ou finissent par complètement disparaître. Une partie non négligeable fait aussi le choix de rester en mode DIY, sans rattachement administratif. Oui, l’organisation diffère mais ils sont tous animés de la même volonté : mettre en lumière des groupes auxquels ils croient.

Soutenir, fédérer, faire connaître des musiciens qu’ils estiment… c’est ce que Marilyn, Simon et Christophe décident de faire un soir de juillet 2005. Une idée que les trois potes n’évoquent pas par hasard. Tous ont déjà un pied dans la musique : ingé son, musiciens ou organisatrice de concerts… les casquettes ne manquent pas. À ce moment précis, créer un label est un bon moyen de poursuivre leurs actions tout en mettant leurs expériences en commun. Ideal Crash naît avec l’ambition de proposer un modèle à échelle humaine : promouvoir des musiciens qu’ils connaissent bien et qui méritent un sacré coup de projecteur.

« On a mis 150 balles chacun et depuis, on a jamais eu besoin de remettre de l’argent dans les caisses. On a commencé par le CD qu’on sérigraphiait : il y avait 2 groupes sur le CD. On s’est inspiré du split (sur support vinyle : un groupe sur chaque face) », explique Marilyn Berthelot. Seize ans plus tard, elle est toujours là. Simon lui, continue à distance… Florian et Pierre ont rejoint l’équipe pour donner un coup de pouce à la fondatrice de l’asso. « En 2011, poursuit-elle, on s’est dit, si on essayait la cassette ? Vu la réaction des gens, on y est allés et on a fini par laisser tomber le CD. » Dès le début, l’équipe développe l’aspect graphique de l’objet… et avec le support cassette, ils vont encore plus l’exprimer : « c’est plus facile, on est plus libre de faire ce qu’on veut. » Et ce que fait Marilyn est bluffant ! Les pochettes d’Ideal Crash sont de vraies petites œuvres artistiques. Autodidacte, cette passionnée bénéficie tout de même de quelques bases solides : elle fait de la broderie, de l’origami, de la photographie argentique (qu’elle retouche manuellement) et a suivi une formation de coiffeuse/perruquière. Elle aime travailler la matière et elle a su offrir au label des pièces originales qu’on ne verra nulle part ailleurs : « ça fait partie de notre identité. Un label uniquement K7, en séries limitées et sérigraphiées. Ce sont des objets uniques faits à la main. Mais on fait attention à les vendre à un prix accessible. » Et c’est le cas : en ligne ou en direct, le prix affiché est de 8€ avec un code de téléchargement. L’enregistrement n’est pas non plus négligé. Depuis des années, les membres d’Ideal Crash travaillent avec Tape Line, une société anglaise qui fournit et duplique toutes leurs cassettes.

Mais voilà, avec un prix inférieur à 10€ et pas plus de 100 exemplaires par projet musical, les bénéfices sont faibles. Si les membres du label avouent ne pas chercher à en vivre, qu’en est-il des artistes ? Les musiciens s’y retrouvent-ils ? « Ce label, c’est avant tout une rencontre entre personnes. Les groupes savent qu’ils ne gagneront pas grand chose mais ils ne sont pas là pour ça. On garde une partie des cassettes et ils vendent celles qu’on leur donne au prix qu’ils le souhaitent. Et il y a aussi les concerts.» À Rennes, les membres d’Ideal Crash ont organisé plusieurs soirées. C’est d’ailleurs comme ça qu’ils ont commencé à faire de belles découvertes : « on a quelques fiertés quand même, avec Lysistrata, par exemple. C’est un groupe qu’on avait fait jouer et ils ont explosé ! Avec eux, les deux sorties cassettes étaient Sold Out ». Parmi les groupes sur le label, on peut aussi citer Corbeaux, Quentin Sauvé, Black Boys on Moped, Fragments, Reliefs ou encore Utoya. Des musiciens qui ont plutôt bien tournés dans l’Ouest… et ailleurs.

Marilyn est soutenue par une équipe mais après toutes ces années, qu’est-ce qui fait que la passion est toujours là ? À l’ère du capitalisme, comment fait-elle pour fédérer autour de son label ? « Faire les choses simplement, de façon honnête, ne pas faire de calcul » dit-elle sans même chercher ses mots. Une recette qui prend tout son sens dans un monde qui veut toujours aller plus vite… Prendre le temps de bien faire les choses… et continuer à entretenir sa curiosité… Oui, la musique, elle avoue en écouter beaucoup : « sur vinyles, cassettes, en dématérialisé… Il y en a toujours à tourner à la maison ». Et surtout ne pas s’isoler, soutenir les autres initiatives… Depuis 2017, elle représente son label au conseil d’administration du Jardin Moderne. Une implication au sein de la scène locale qui la conduit en juin 2021 à être élue présidente de cette grande association rennaise.

Ideal Crash est une page ouverte sur l’avenir, un label artisanal avec de belles années devant lui… Un projet qui suit les ambitions de ses débuts : mettre en avant avec classe tous ces musiciens qui restent parfois un peu trop dans l’ombre.

Caroline Vannier

Sur le web :
https://idealcrash.bandcamp.com/?fbclid=IwAR3Zm21rZ64V4k-ldKPk8Eflsu3vKTmJRlJqgrjeC1IDFS8E0SuQGWpU9iw
https://open.spotify.com/user/sa9ios003de1hwhs3freq6t9g?fbclid=IwAR1eWpvkk1nLgN7Ln997GJj4vJq2g3zNDPzzIt0buMoIT0fMa8WnUk1MIh
https://www.youtube.com/channel/UCoPm_R-07Evm5kEOMP_T3vQ
https://www.instagram.com/idealcrashlabel/?fbclid=IwAR1YqszbDil9Jtzsi1Dadyx5mg7Sxa_BD0jUds_-z8aC6yW3Pm9RIq7bhhc
https://www.facebook.com/idealcrashlabel











Le Jardin Moderne (mars 2021)

À Rennes, qu’ils soient amateurs ou professionnels, rares sont les musiciens qui n’ont jamais poussé les portes du Jardin Moderne. Un lieu devenu incontournable pour répéter, se former et échanger. Implanté entre la Vilaine et la zone industrielle de Lorient, le bâtiment porte la marque d’une mixité artistique. Tel un symbole de cette diversité, les murs passent entre les mains des graffeurs de la biennale Teenage Kicks en 2015. Mais après vingt-trois ans d’existence, comment l’association s’inscrit-elle dans le paysage local ? De quelle façon a-t-elle changé depuis ses débuts ?

L’histoire du Jardin Moderne commence en 1997 lors d’une réunion des Assises de la Culture à Rennes. De ce rendez-vous naît un constat clair : musiciens, musiciennes et membres d’associations doivent se rassembler pour remonter leurs difficultés. Ils créent alors une structure sous le nom de Collectif (qu’ils changeront pour le Jardin Moderne en 2007). Moins d’un an plus tard, ils obtiennent une solution de taille : la mairie leur propose la gestion des anciens laboratoires de Kodak. Loin du centre ville et des nuisances sonores, les membres de l’asso apportent ce qui manque aux groupes : un lieu de rencontre et des locaux de répétition. À partir de là, tout s’accélère. Pour installer durablement ce nouvel équipement, un premier directeur (Benoît Careil) est nommé et des salariés sont recrutés. La demande explose ! Les musiciens adhérents s’inscrivent en nombre et les services s’adaptent : au fur et à mesure des années, les studios passent de quatre à sept, des créneaux sont ouverts du mardi au dimanche, du matériel est aussi prêté et/ou proposé à la location… Un vrai coup de pouce pour ceux qui manquent d’espace et d’équipement. Oui, dès le départ, la Répétition est clairement une part cruciale des missions du Jardin Moderne… mais c’est loin d’être la seule. Le cœur du projet passe par l’échange et il ne sera pas limité à la musique.

Avec une galerie qui jouxte le bar et les salles de répétition, le Café est un carrefour, un passage obligé qui provoque les rencontres et pousse à la curiosité. Pendant leur pause, les musiciens et musiciennes se croisent et côtoient des œuvres graphiques : une façon de sensibiliser chacun à d’autres voies artistiques. L’équipe du Jardin Moderne se spécialise (médiation projets, accueil, animation répétition/bar, communication…) et met en place de nombreux événements dans cet espace devenu central. Parmi ces rendez-vous, on peut citer les vernissages, les concerts, les formations… des actions qui sont autant d’initiatives pour apprendre et faire du lien. Impulsé par la réouverture du studio d’enregistrement en 2015, le festival Spring Rec s’installe aussi chaque année, le temps d’un week-end. Un mini fest qui met en lumière une trentaine de Labels indépendants : un moment de rencontres non négligeable entre le public et les acteurs de la musique.

Au Jardin Moderne, il ne faut pas oublier la salle de concert. C’est d’ailleurs un des arguments que les membres fondateurs avaient remonté à leurs débuts : comme aujourd’hui, la pénurie de lieux pour le live et la mise à disposition aux actrices et aux acteurs locaux faisaient partie des revendications. D’une capacité de 250 personnes, la salle du Jardin permet de répondre aux demandes des associations, des professionnels et des groupes. Entre soirées, filages et formations, elle apporte de multiples possibilités. Avec la fermeture de la Cité (ce ne sera bientôt plus le cas) et des espaces comme l’Ubu, le 4Bis ou l’Étage, le Jardin Moderne offre des moyens complémentaires en terme d’encadrements techniques : une façon de lancer et de pérenniser les initiatives pour tou.te.s. Les concerts y sont nombreux… mais la position excentrée du Jardin Moderne freine parfois la venue du public. L’ajout d’un horaire tardif (à la ligne de bus 11) les vendredis et samedis est un avantage mais les passages en semaine restent encore trop insuffisants. Une réflexion est également en cours pour l’aménagement des berges côté Vilaine : la piste cyclable et/ou piétonne ouvrirait un nouvel accès plus proche de la ville.

Et en journée ? Le Jardin Moderne, c’est aussi un Centre Ressource. Un lieu ouvert avec un fonds documentaire (papier et numérique) et la possibilité de prendre rendez-vous pour des suivis de projets. Un animateur informe et accompagne chaque personne désireuse d’en savoir plus sur la législation et/ou de se lancer dans une nouvelle aventure. Là encore, le public est large : artistes, amateurs, organisateurs d’événements, professionnels actuels ou en devenirs des métiers du spectacle vivant… À partir de midi, le bar et le restaurant offrent également aux musiciens, aux salariés de la zone industrielle et à toute personne qui le souhaite de s’offrir une pause côté Café. Sur le temps méridien, le lieu s’ouvre à des gens d’horizons différents… et qui inévitablement vont se croiser.

Et dans les coulisses ? Il y a bien sûr les locaux techniques comme la cuisine, les réserves et les bureaux que les salariés partagent avec des associations locales. Parmi elles, des acteurs comme Mass Productions, 3Hit Combo, Patchrock ainsi qu’une graphiste indépendante. En 2010, le Jardin Moderne encadrait même l’hébergement d’une dizaine de structures dans l’ancienne école Kennedy. La définition autour d’un « cluster artistique » se dessine mais la distance entre les bâtiments rend la gestion difficile. L’histoire se termine le 31 décembre 2017 mais le projet pourrait renaître, sur un même site, à travers l’agrandissement des locaux actuels.

Dans les années 2000, le Jardin Moderne s’inscrivait comme le lieu des musiques actuelles : c’est toujours le cas… mais aujourd’hui, l’association se veut porteuse de projets, militante aussi. Elle s’engage auprès des intermittents, des cafés concerts, de la place des femmes dans la musique… Mais force est de constater que son travail auprès des musiciens et des musiciennes est la mission qui perdure depuis ses débuts. Les nouvelles technologies et l’accès simplifié à l’enregistrement auraient pu donner un coup de frein à la fréquentation mais il n’en est rien. Les groupes auront toujours besoin de se former et de lieux pour répéter. Avec 1020 adhérent.e.s (dont 402 groupes et artistes différent.e.s) et un planning qui ne désemplit pas, l’équipe du Jardin participe à maintenir une diversité culturelle dans le paysage local. Un espace qui met tout le monde à égalité : débutants, amateurs, professionnels, spectateurs… Mais voilà, avec la Covid, qu’en sera-t-il pour 2021 ? Et après ? Entrevoit-on seulement le bout du tunnel ? Oui, en ce moment, les temps sont durs. Pour la première fois en vingt-trois ans, le Jardin Moderne est obligé de fermer ses grilles à la plupart de ses pratiques… mais la pandémie et l’absence de culture en France n’étouffera pas ces initiatives. Dès qu’ils le pourront, les passionnés seront là pour faire vibrer guitares, basses, micros, batteries, claviers… On a hâte !

Caroline Vannier

Une partie de l’équipe du Jardin Moderne

Sur le web :
http://www.jardinmoderne.org/
https://www.facebook.com/JardinModerne/
https://twitter.com/JardinModerne

Justine de l’association Dream’in Noise (février-mars 2021)

Ceux qui s’engagent dans l’organisation de concerts ont tous un parcours différent mais ils ont un point commun : une excellente connaissance musicale et une première orga souvent très réussie. Le 3 février 2018, Justine Évrard n’échappe pas à la règle. Après quelques années de bénévolat dans le milieu culturel, elle crée sa propre association et programme trois groupes au Marquis de Sade. À l’affiche ? Odium Decoy, Mauvais Geste et Black Malo. La concurrence est rude à Rennes… mais elle y croit et elle a raison. C’est une réussite ! Le petit Caf’Conc’ de la rue de Paris ouvrira ses portes à 80 personnes ce soir-là. Dream’in Noise est officiellement née.

Marquis de Sade, Mondo Bizarro, Gazoline, Ty Anna Tavarn, Synthi, Alex’s Tavern… l’association investit des lieux plutôt underground. Des espaces au plus proche du public où rien n’est impossible. En mode Do it Yourself, Justine parvient à placer des groupes comme The Lumberjack Feedback (avec leur duo de batteurs) dans le minuscule Terminus. Et elle ne s’arrête pas là ! En à peine deux ans, les projets se multiplient : un partenariat avec Metalorgie, la co-orgaination du « mini-fest » Les Enlaidies, une lecture-concert à La Part des Anges… Justine sait donner une place aux artistes de tout horizon et le public s’y retrouve. Tout va très vite et peu de mauvaises surprises… Mais qu’est-ce qui explique un tel feeling ? Est-il indispensable de faire soi-même de la musique pour mettre un pied dans cet univers ? Non. Rien n’est jamais figé mais avoir du recul est même un atout. Ce qui fait la différence, c’est sans doute la curiosité et la capacité à se passionner. Avant de tenter l’aventure Dream’in Noise, Justine a voyagé, elle s’est consacrée à l’environnement aussi. Mais c’est à Rennes qu’elle pose régulièrement ses bagages et c’est dans cette ville qu’elle affirme sa passion pour la musique. Bénévole en festivals, chroniqueuse radio pour C-Lab… Elle tient un blog, écrit pendant 2 éditions pour les Bars en Trans et fait du booking (et de l’orga de tournées) pour Raskolnikov et Drawing Hills. Être sur le terrain, se confronter à de nouvelles expériences… C’est en allant vers les autres que le projet Dream’in Noise se dessine. En 2017, elle fait même un pas supplémentaire en se professionnalisant : elle suit une licence pro « Gestion de la production audiovisuelle multimédia et évènementielle » et fait un stage dans un label.

La suite… La suite est en cours d’écriture mais nul doute que l’avenir de Justine et de Dream’in Noise sera riche de rencontres. Il est vrai qu’à l’heure du Covid, tout est plus complexe. Se projeter n’est plus une évidence mais quand les concerts reprendront, il faudra des actrices et des acteurs comme Justine Evrard pour faire battre à nouveau le cœur de la musique à Rennes… ou ailleurs. Et qui sait, c’est peut-être dans un tout autre rôle que l’organisatrice renouera avec la scène ? À la basse et au chant, avec des musiciens qui partageraient les mêmes aspirations. Sait-on jamais… Comme quoi, rien n’est jamais figé.

Caroline Vannier

Interview concerts dans le rétro

1 – Ton premier coup de cœur musical ?
J’écoute majoritairement du metal et affiliés aujourd’hui, surtout du post rock/post metal et les dérivés planants du black metal. Je ne me rappelle plus exactement via quel groupe, mais je crois que c’est via la brit pop et le pop rock anglais que j’ai commencé à être dingue de musique. Et quand j’ai découvert des trucs genre Le Velvet Underground, Depeche Mode, Leonard Cohen, et dans une autre dimension Blur, Ghinzu, Arcade Fire… Bah voilà, quoi, c’était fini ! Des groupes que j’écoute encore trèèèès régulièrement aujourd’hui ! C’est un peu ma porte d’entrée dans cet univers… Ce sont des groupes de neo metal et de prog, genre Porcupine Tree et Pain of Salvation, qui m’ont amenée vers des trucs plus vener et lourds.

2 – Un concert inoubliable ?
Hou… Inoubliable… Il y en a eu tellement qui m’ont marquée… Le premier qui me vient en tête, cependant, est un concert de Swans, que j’avais vu au 106, à Rouen… À un moment je me sors de ma torpeur et jette un œil autour de moi. Le public était hypnotisé, bougeait d’avant en arrière en rythme, comme s’il était devenu une seule entité… C’était la messe, on était tous en transe. Je n’avais jamais rien vécu de comparable auparavant !
Celui de Lingua Ignota, au Ferrailleur à Nantes, en 2019. Dans la voix de cette nana… holala il y a un truc magique, sacré, qui prend aux tripes et parle à tout le monde… Plus particulièrement à la partie la plus fragile de ton âme… Je crois que c’est le seul concert de ma vie où j’ai versé une larme. Ah oui et pile pendant ce concert, on m’apprend que Notre Dame est en train de cramer… ça a rajouté un petit côté black metal à la soirée. Quand j’avais vu Saint Sadrill aussi… Je ne m’attendais pas à quelque chose d’aussi beau… Que ce soit la voix d’Antoine qui est d’une beauté, l’interaction des musiciens entre eux, ou la manière dont ils faisaient plonger le public dans leur univers… Un vrai bonheur ! Refused aussi, au dernier Hellfest, c’était génial ! La fatigue cumulée de quatre jours de festoch s’est envolée comme par magie quand ils jouaient !
Et bien sûr, Birds in Row ! Je me sens toujours privilégiée quand j’assiste à un de leur concert. Ces gars là sont tellement sincères, il y a vraiment un truc qui se passe entre eux et le public, un truc intense et vrai. Et la dernière fois que je les ai vus, c’était à Londres et mon dernier concert avant le confinement, du coup dur d’oublier ça!

3 – Côté organisation, quelle est ta plus grande fierté ?
C’est dur… J’ai envie de citer pratiquement tous les groupes que j’ai fait jouer… Mais s’il faut choisir on va dire mon premier concert, avec Odium Decoy, Mauvais Geste et Black Malo. Car faire son premier pas dans l’orga c’est toujours le plus stressant mais aussi le plus excitant. Et puis les concerts en eux-mêmes étaient juste géniaux ! Avoir pu organiser Les Enlaidies aussi, bien sûr ! J’ai de fortes convictions féministes depuis environ mes 13 ans et réussir à organiser (avec trois amies) un festival où l’on programme des groupes de ouf avec pratiquement que des femmes, c’est réellement un accomplissement personnel !
Et plus précisément, pour les groupes en eux-mêmes… Je suis hyper heureuse d’avoir fait jouer Ingrina, c’est un groupe que je suivais depuis quelques années et c’est d’ailleurs le dernier concert que j’ai organisé (au Mondo) avec Utoya ce soir-là avant… que ça devienne compliqué ! D’avoir fait jouer Mars Red Sky au Mondo aussi. C’était genre ma troisième orga, on attendait du monde… et je m’étais mis beaucoup de pression. On a eu environ 200 personnes ce soir-là, c’était énorme !
The Lumberjack Feedback et Wyatt E. qu’on avait co-organisé avec Antisthène en moins de 24h au Terminus suite à une annulation, c’était pas mal aussi ! Je suis également hyper contente d’avoir pu faire jouer Every Stranger Looks Like You. J’avais adoré écouter leurs albums, mais en live… Wouah ! Je ne m’attendais pas à un truc aussi intense et qui me plaise encore plus !

4 – Des groupes ou des artistes que tu aimerais faire jouer ?
Russian Circles ! C’est mon groupe contemporain préféré. Mais bon, c’est un de mes rêves les plus fou, dans la réalité il faudrait un sacré budget pour le concrétiser ! Lingua Ignota, Feminazgul, je suis une très très grande fan ! La scène belge a toujours regorgé de groupes hypra talentueux et dans une dimension où ils seraient encore actifs, je rêve de faire jouer Ghinzu (même si juste revivre un de leurs concerts, ce serait déjà fantastique). Amenra et Oathbreaker aussi, mais pareil, pour ce genre de groupes, mon asso est un peu trop… DIY on va dire ! Côté français, si un jour je pouvais faire jouer Year of No Light, Monarch!, Ddent ou Birds in Row, je serais aux anges !

5 – Comment découvres-tu de nouveaux groupes ? En live et/ou sur Internet ?
Je crois que la base principale de mes découvertes vient les échanges que je peux avoir avec d’autres passionné.e.s et avec des potes, ou de soirées où on se fait écouter les sons qu’on aime respectivement qui aboutissent à des to listen listes (que je perds ou pas..). Elles viennent aussi des différents media internet et blog spécialisés, la presse écrite (même si c’est sporadique). Enfin bien sûr, une très grosse partie de mes découvertes a lieu en concerts et en festivals.

6 – Vinyles, C.D., K7 : des supports encore importants aujourd’hui ?
Importants pour soutenir les groupes qu’on aime, oui ! Après… à titre perso j’ai une petite collection de vinyles, mais j’ai ralenti mes achats quand je me suis rendue compte que je ne les écoutais pas tant que ça… Je ne voulais plus être dans l’accumulation. Même si bien sûr il m’arrive encore de craquer lorsque je suis soufflée par la prestation d’un groupe en live, ou que je suis particulièrement fan d’un groupe. Quand j’écoute un groupe c’est principalement via bandcamp ou des plateformes de streaming. J’ai toujours une belle collection de CD que je me trimballais régulièrement quand j’avais encore une voiture (dont le lecteur ne lisait que les CD). Mais en vrai le CD est un support tellement pourri qu’il est voué à disparaître. Au-delà de l’espèce de hype qu’il y a autour du vinyle et de la cassette, c’est quand-même important que ces supports subsistent. Déjà pour les conserver à long terme, car le stockage numérique n’est pas indéfini, contrairement à ce qu’on a tendance à imager. Et puis la qualité est souvent meilleure (pour les vinyles en tout cas) et le rituel qui y est attaché fait toujours plaisir. Et souvent ce sont de beaux objets, des œuvres d’art à part entière. Mais bon, si on ne veut pas se mentir, c’est le numérique qui gagne, on n’y peut rien et j’ai envie de dire tant mieux ! Je suis pour l’accès à la culture pour tous et je suis contente qu’aujourd’hui, n’importe qui puisse avoir accès à n’importe quelle forme d’art relativement facilement.

7 – Un bon groupe peut-il être mauvais sur scène ?
Oui, je pense. J’en ai déjà été témoin. Puis la scène c’est chaud quand-même, c’est normal que quelques fois il y ait des ratés !

8 – Cinq albums à impérativement écouter ?
Je mets de côté tous les classiques de type Velvet Underground (mon groupe préféré), Beatles, Depeche Mode, etc… que tout le monde connaît, mais qu’il faut impérativement écouter avant ceux que je vais lister :
– Desertshore de Nico (sa carrière solo est injustement méconnue)
– F# A# ∞ de Gospeed You ! Black Emperor
– Station de Russian Circles
– Murmuüre
– All Bitches Die de Lingua Ignota

9 – Un festival pas comme les autres ?
J’ai décidé de rester en Bretagne en 2016 grâce au Binik Folk Blues Festival. J’avais tellement aimé le site, l’ambiance, les concerts… Après… il a pas mal évolué en quelques années, il y a maintenant beaucoup trop de monde, ça en gâche un peu le charme malheureusement. Le Cabaret Vert, festival de ma région de naissance, que je supporte depuis ses débuts. Tu as la même prog qu’à Rock en Seine, donc de sacrés bons groupes quand-même (et une scène plus indé, dédiée aux découvertes et groupes plus underground, je précise), mais tu as le charme d’un festival d’une région rurale et frontalière, avec une super ambiance, des spécialités locales et des gens sympas du cru ou des pays frontaliers. Après, comme tout petit festival qui est devenu géant, il a gagné pas mal de trucs, notamment concernant la prog, mais a perdu aussi le charme des premières années. Et sa grosse particularité, c’est aussi d’être dans une démarche aussi écolo que possible et ça c’est un très très gros plus. Le Hellfest, le Motoc… ils ont leurs défauts, mais je suis toujours contente d’en être ! Le Samaïn Fest, pour sûr, ça c’est un festoch pas comme les autres, qui soutient un très beau projet et qui j’espère, va perdurer ! Le Tapette Fest c’était un super festoch aussi, très DIY et éclectique dans le côté bourrin. De manière générale ce sont les tout petits festoch que je préfère, où tu arrives à parler aux gens et à faire de vraies découvertes. Là je n’en ai pas cité beaucoup, mais en vrai j’ai fait proportionnellement plus de concerts dans ma vie que de festivals.

10 – Un mot sur la période que nous vivons en ce moment ?
Les concerts me manquent.

Interview réalisé par mail.

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Le Samaïn Fest (été 2020)

Le Samain raconte une histoire pas si lointaine… Celle d’une fête Celtique qui annonçait l’arrivée de l’hiver dans des pays comme l’Irlande ou l’Écosse. Celle d’une nuit qui permettait aux vivants de retrouver leurs morts autour du feu de l’Anaon en Bretagne. Samain, Heven ou Kala Goañv… la période du 1er novembre était célébrée de cette façon dans le Finistère jusque dans le milieu du 20ème siècle. Un calendrier peu connu aujourd’hui mais qui ne s’est pas perdu pour tout le monde…

En 2011, des passionnés de musique décident de réinterpréter cette fête d’antan. Pendant un long week-end (du jeudi au samedi), ils font le pari de faire le lien entre langue, culture Bretonne… et Rock’n Roll. L’objectif ? Créer un festival pour soutenir l’école Diwan de Guipel (basée à la Méziére à cette époque). D’accord… mais avant d’aller plus loin, qu’est-ce que signifie Diwan ? « Ça veut dire La Pousse » explique Charles Castrec, l’un des organisateurs. « C’est une école laïque, gratuite et ouverte à tous, dès l’âge de deux ans. Elle pratique la pédagogie par immersion en langue Bretonne. L’État paie les salaires des enseignants contractualisés, les non-contractualisés sont pris en charge par Diwan Breizh (la Fédération des écoles). À la charge des écoles comme celle de Guipel reste le loyer, les charges et les salaires des employés non enseignants, le tout acquitté par les forfaits scolaires et les dons des particuliers et des entreprises. Nos enfants y allaient et on était beaucoup de parents à écouter du Metal. On s’est dit pourquoi pas faire des concerts ? » Presque dix ans plus tard, l’aventure continue et le concept rassemble près de 500 personnes par jour. Pour Mick, l’un des fondateurs, tout ne s’est pas fait par hasard… Mettre les pieds dans les coulisses d’une telle organisation n’est pas une première : « j’ai longtemps préparé la bouffe en festival pour les groupes et le public. Je suis allé un peu partout ! Au Samaïn, j’ai fait un peu de tout aussi… les commandes, le merch, les goodies, les flyers… mais je m’occupe principalement de la restauration. J’ai aussi mon mot à dire sur la prog. »

La programmation, c’est le domaine de Charles, qui avant de parler de son travail, n’hésite pas à mettre en avant l’implication des autres : « on a eu de l’aide dès le début. Tom des Chouch’n Molotov’ qui n’a pas hésité à prêter son matos. Théo qui a fait la sono. Brieg qui est venu avec Les Ramoneurs de Menhirs qui ont joué gratuitement. » Et côté artistes, il y eu de belles affiches ? Pas de doute ! Parmi ceux qui sont passés sur la scène de la Mézière, on retiendra quelques pointures comme Regarde les Hommes Tomber, Les Ramoneurs ou encore Loudblast : « oui, mais ce n’est pas forcément représentatif. On cherche surtout des groupes bien lancés et qui n’ont pas encore explosés », fait remarquer Charles. Pour des raisons financières (hébergement, frais kilométriques…), la majorité des formations invitées sont Françaises mais il y a eu des exceptions telle que Bölzer. « Un très bon souvenir ! Ce sont des mecs gentils. Ils sont Suisses mais l’oncle d’un des musiciens habite à la Mézière, ça a pas mal facilité les choses. » Vous l’avez compris, le Samaïn, c’est l’occasion de découvrir des artistes prometteurs… mais aussi d’écouter des groupes qui chantent en Breton (Ebel Elektrik, Anken, Mörkvlth, Belenos…). Et puis, après dix ans d’organisation, les anecdotes ne manquent pas comme ces soirs de 2011 et 2013 où Morkelvyz (dans lequel officient Charles et Mick) accepte de monter sur scène : « ah oui mais on ne le refera pas ! C’est trop compliqué de jouer et d’organiser. » Il y a aussi ce jour où le groupe Kickstarters (qui devait seulement jouer sur la terrasse d’un café) s’est vu monter sur la grosse scène du Samaïn : un désistement de dernière minute qui a fait des heureux !

Au Samaïn, il y a des concerts de Metal mais c’est loin d’être tout. Depuis quelques années, des groupes aux influences diverses, sont invités à jouer dans les cafés de la Mézière. Une programmation en journée et un partenariat local qui se consolide avec le temps. En plus de la musique, d’autres animations sont également proposées au public : des causeries en Breton, une cérémonie druidique avec La Gorsedd (assemblée officielle des Druides de Bretagne) qui est suivie d’une conférence… La décoration de la salle revêt aussi une importance toute particulière. Chaque année, elle est réalisée pour mettre en lumière des artistes telles que Wyllö Droükspered ou l’association Truc (recyclerie d’art de la Mézière). Mais avec tous ces événements au sein d’un même week-end, comment se gère la communication ? Ça, c’est le domaine de Mathias : « pour les visuels, on bosse avec un graphiste de grand talent : Xavier. C’est une bête de détails. Pour te donner une idée, les affiches des trois dernières années ont été pensées en triptyque. Moi, je fais surtout de la diffusion sur Facebook et Instagramm. La difficulté, c’est de réussir à proposer du contenu toute l’année. Avant le festival, je parle du local. Toute la communication du festival se fait en trilingue (Français, Breton et Anglais).» Charles intervient : « on peut aussi citer Erwan Largy. Il a fait les six premières affiches complètement bénévolement. »

Les bénévoles justement, il y en a… Les parents d’élèves mais aussi des gens qui prêtent main forte comme Yoann (équipe prog et responsable de la billetterie) ou Erwann Maudez : « je suis arrivé en 2015. Ce que je fais concerne plutôt le côté régie-plateau. Le backline. Je m’occupe de l’accueil des groupes, du lien entre les musiciens et les techniciens. » Et le boulot ne manque pas ! Côté logistique, de nombreux partenaires prennent part à cet événement : « c’est Eurolive qui sonorise. On ne se voit pas faire sans eux. La bière vient du Finistère, elle est brassée par Vincent Couille de Loup, un mec en or ! » précise Charles. « Et Bob, c’est une légende en Bretagne ! », s’exclame Erwann.

À part une subvention de la ville (82 €) et un prix réduit pour la location de la salle Cassiopée, le Samaïn Fest est complètement indépendant. Depuis 2011, l’équipe donne de son temps pour mettre en avant une musique qu’ils aiment au service de la sauvegarde d’une langue régionale. Après dix ans, on peut dire que le pari est réussi : « oui, le but est de financer l’école Diwan de Guipel et le pire chiffre qu’on ait fait est zéro. On est jamais descendu en dessous. Les groupes sont toujours payés mais les musiciens font souvent pas mal d’efforts » explique Mick.

Avec le virus du Covid, pas de Samaïn en 2020… mais ce n’est que partie remise ! Le rendez-vous est donné les 21-22 et 23 octobre 2021 ! Et qui sait, il y aura peut-être des nouveautés dans les années à venir ? Charles regarde Mick puis se marre : « nos enfants se sont mis à la musique et ils sont motivés pour jouer. Alors oui, ils monteront peut-être à leur tout sur la scène du Samaïn. »

Caroline Vannier

*Termes Bretons recueillis auprès de l’équipe du Samaïn Fest

Mick, Mathias, Erwann et Charles

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Garmonbozia (automne-hiver 2020)

Du haut de ses vingt-deux ans, l’association Garmonbozia est un des piliers de la scène Metal en France. Avec plus de 1000 concerts à son actif (et autant en coréalisation avec d’autres organisateurs ou salles), elle a su trouver sa place dans un secteur pourtant très concurrentiel. Qu’est-ce qui explique une telle réussite ? Comment son fondateur a-t-il pu tenir la barre quasi seul pendant quinze ans ?

Toutes les histoires ont un élément déclencheur. Un déclic qui fait qu’à un moment donné, on décide de prendre un chemin plutôt qu’un autre. Pour Fred Chouesne, il faut remonter au 13 février 1998. À cette époque, Garmonbozia n’existe même pas à l’état d’ébauche. Il est alors étudiant en BTS et décide de monter un concert comme projet de fin de diplôme : « ça se passait aux Tontons Flingueurs (ancien caf’ conc’ emblématique à Rennes) et la tête d’affiche était Enthroned, un groupe Belge. C’était complet et ça m’a motivé pour continuer. » Un début prometteur… et David Mancilla comme parrain de la soirée. Pour ceux qui ne connaissent pas le monsieur, il fut pendant un temps un acteur local très actif : guitariste chez Stormcore, créateur du fanzine Hardside Report, fondateur du label Overcome records, tourneur et organisateur de concert… David M. a fait de Rennes la capitale du Hardcore dans la décennie 90 : le Superbowl of Hardcore (à l’origine) c’est lui, les shows avec des pointures internationales (c’est lui aussi). De cette période, il reste quelques interviews (sur fanzine papier) mais sa passion, on la retrouve surtout chez tous ces gens qui continuent à faire vivre les musiques extrêmes à Rennes. Fred Chouesne est de ceux là et il ira même plus loin… Après un premier concert réussi, il crée son asso sous le nom de Heic Noenum Pax (qu’il changera par la suite pour Garmonbozia) : « j’avais un boulot qui n’était pas dans la musique et j’organisais 3 à 4 concerts par an. Je programmais surtout du Black et du Death Metal. Il faut dire qu’il y avait peu de structures organisatrices dans l’Ouest et je voulais qu’on puisse faire venir quelques groupes internationaux à Rennes. J’ai contacté directement des labels et des tourneurs comme Metallysee (qui avait fait venir en Europe notamment Slayer et Sepultura). C’est comme ça que j’ai commencé à créer des contacts.» Marduk, Cannibal Corpse, Morbid Angel, Obituary, Mayhem (pour leur première venue en France), Immortal, Dissection, Satyricon, Enslaved… Fred accueille de grosses formations : « je suis un fan avant tout. J’ai fait venir des groupes que je rêvais de voir jouer. Il y a eu bien plus tard les musiciens des Doors au Liberté et c’est un énorme souvenir d’avoir pu les rencontrer. Magma aussi, qu’on invite tous les 3-4 ans en moyenne, depuis 2000. Gong, Opeth… Il y en a d’autres mais on essaie toujours de laisser une place aux groupes locaux suivant les possibilités. » Parmi eux, on retiendra Stormcore (reformé pour les 15 ans de Garmonbozia en 2013) mais aussi Voight Kampff et Darkseid. L’asso co-organise même en 2018 la première soirée I’m From Rennes dédiée au Metal.

Production de concerts, booking, organisation et supervision de tournées… Garmonbozia investit principalement des salles à Rennes (Antipode, Ubu, Étage, Liberté…), Nantes (Stereolux, Ferrailleur…) et Paris (Petit Bain, Trianon, Olympia, Bataclan, Élysée Montmartre, La Machine / ex Locomotive…) : « les groupes hors Metal qu’on présente sont des formations que je connais bien mais on reste surtout sollicité pour des concerts Metal. On n’a pas forcément le même réseau en terme de promotion pour couvrir d’autres courants musicaux, le public s’y retrouve peut-être moins également. » Fred place aussi des groupes et des plateaux pour les festivals comme le Sylak, le Fall of Summer, le Motocultor et le Hellfest : « on se connaît depuis le début avec Ben Barbaud (fondateur du Hellfest). On lui avait proposé des groupes Metal pour diversifier sa programmation dès le FuryFest, on avait également participé au financement de la seconde édition du Hellfest. On se soutient, surtout en ce moment avec la pandémie. »

Les années défilent et Garmonbozia devient un acteur indispensable de la scène Metal dans l’hexagone mais rester sous le statut associatif est un vrai choix : «  l’association est régie par les principes généraux de la loi 1901 donc l’asso n’a pas de but lucratif. Ce n’est de toute manière pas à proprement parler une activité très rentable ! Nous essayons chaque année d’avoir des comptes équilibrés tout en rémunérant les postes qui doivent l’être. »  Et le boulot ne manque pas ! Bien au contraire : « jusqu’à une certaine période, je faisais tout seul et je prenais du retard au niveau administratif. » Aux bénévoles, deux salariés viennent seconder Fred. Clément arrive début 2020 pour la gestion de la billetterie mais Lorène intègre l’équipe bien avant : «en 2013 » précise-t-elle. « Au début, j’étais bénévole et Fred m’a appris le métier. » Présentatrice de l’émission La Crypte sur Canal B, elle n’est pas une novice dans le milieu du Metal : « oui mais je nétais pas du tout Black. J’ai un peu changé depuis que je bosse chez Garmonbozia. » Mais au fait, à quoi ressemble le métier quand on passe de l’autre côté du miroir ? « On voit moins de concert ! On est occupé toute la soirée, on a plus le temps ! », ironise-t-elle. « Non, plus sérieusement, au quotidien, on échange beaucoup. On a des contacts privilégiés dans chaque pays. Je parle Allemand et on a pas mal de tourneurs basés en Allemagne. En fait, on achète des plateaux : c’est le tourneur principal qui monte les affiches. Parfois, ils nous laissent la possibilité d’ajouter un groupe de notre choix en première partie mais ça devient de plus en plus rare alors que c’était systématique il y a une dizaine d’années. » Fred enchaîne : « oui, on bosse principalement avec des tourneurs étrangers. On passe beaucoup de temps à parler et à échanger par mail en AnglaisPratiquement tout se passe sur Internet et sur les réseaux sociaux. » L’équipe continue de faire ses propres plateaux à l’occasion de l’anniversaire de Garmonbozia, un rendez-vous devenu régulier à Rennes. Idem quand ils mettent à l’honneur des groupes comme Magma qui aurait dû jouer à l’Opéra en octobre 2020 : « on a été obligés de reporter ces deux soirées à 2021. On avait vendu les billets et les nouvelles restrictions nous imposaient de diminuer encore la jauge. C’était difficilement tenable financièrement et il n’était pas question de voir ces concerts évènements (50 ans du groupe) au rabais. » explique Fred. La Covid 19… La pandémie dure et bouleverse tout. Impossible de savoir si les concerts pourront reprendre dans quelques mois, un an ou plus : « oui, on passe notre temps à annuler ou à reporter. Ce n’est pas simple. Depuis mars, on dû faire 80 reports ou annulations. On avait pu maintenir qu’une seule date et il n’y aura sans doute pas de reprise avant le second semestre 2021. Après, on a la chance d’avoir un public fidèle. On a reçu beaucoup de messages pendant le confinement. Les gens proposent d’acheter des billets à l’avance directement auprès de nous et même de faire une cagnotte. »

En un peu plus de vingt ans, Garmonbozia est devenu un gage de qualité. Le public répond présent : « oh ! On a aussi connu des soirées difficiles ! » s’exclame Fred avec beaucoup de franchise. Sans doute mais il est bon de savoir que des organisateurs prennent encore des risques dans leur programmation. Les concerts d’Alice Cooper au Liberté et de Brant Bjork à l’Ubu n’étaient peut-être pas complets mais ceux qui ont pu y assister ne l’oublieront pas de si tôt. Idem pour tous ces artistes locaux qu’ils soutiennent depuis des années et qui ont pu monter sur des scènes comme le Hellfest.

Transparence, simplicité… et une ligne de conduite irréprochable… c’est un peu tout ça Garmonbozia ? Ah, c’est sans compter la passion… Sans elle, Fred Chouesne ne se serait sûrement pas engagé sur ce chemin. Les Doors, Depeche Mode, King Crimson, Pink Floyd, Magma, Dead Can Dance, John Coltrane, Miles Davis, Klaus Schulzeles groupes qui l’accompagnent au quotidien ne sont pas forcément Metal mais en live, il sait faire la part belle aux musiques extrêmes. Garmonbozia est paraît-il la nourriture des Dieux dans Twin Peaks… Une idée pleine de promesses… pour un public qui attend que sonne à nouveau l’heure des concerts.

Caroline Vannier

Sur le Web :
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