Rencontre avec Patrick Gouevy, qui fête les 20 ans de son café concert, La Fontaine, si atypique de par sa scène underground située en plein pays de Brocéliande, et pourtant si ancrée localement. Une réussite et un parcours à méditer.
Il n’y a pas besoin de prendre rendez-vous pour aller voir Patrick. Juste une petite mise au point sur l’itinéraire à suivre, et c’est parti… Welcome in Saint Peran city !! Son lieu de boulot ? Un bistro ou plutôt un baltot : voulez-vous un petit rosé Monsieur ? Pas de problème, Patrick vous le fera déguster à l’apéro. Vous avez oublié du beurre ou vous n’avez plus de pain pour dîner ce soir… Madame ? Ne craignez rien … Il a tout ce qu’il faut Patrick : l’épicier du village c’est lui aussi. Et toi, jeune punk perdu aux portes de Brocéliande… tu veux rentrer dans la légende ? Pose ton sac ici et ramène tes rangers au bistro !! Ce soir, c’est Samedi et c’est Bullshits detectors et Hopper Noz qui tiennent la sono. Donc… Salutations distinguées à quelqu’un qu’il faut citer : Patrick qui tient depuis près de 20 ans son troquet à Saint-Péran.
Lieu obscur de débauches anarchistes ? À vrai dire, rien n’indique à première vue qu’ici, on agite la crête frénétiquement. Car d’habitude, ici c’est ambiance « taverne » : on pose son baluchon pour un petit ballon et le coude au comptoir. Pour le point géo et démo : Saint-Péran est à une trentaine de kilomètres de Rennes via la N24, peuplé de plus de 300 âmes et prélude à l’entrée de la légendaire forêt de Brocéliande. La tranquillité est de mise sans que cela ne soit aucunement dépréciatif : il fait bon vivre la campagne, et pour résumer, si vous voulez voir du live dans ces contrées, une phrase de Normands s’impose : « on n’est pas très loin de tout mais pas tout prêt non plus. » Mais, Saint-Péran a son Excalibur : son « café de pays » comme l’annonce l’appellation. Bien méritée, celle-ci, et bien nommée car il en a certifié des groupes Patrick depuis les Gunners, il y a près de de deux décennies. Fouler la Fontaine de Brocéliande est une étape, un lieu à part où quasi tous les samedis soirs, des korrigans à crêtes nous rejouent dans une éternelle litanie, si criante de sincérité : « No Future » Punk is not dead, les gars ; car tout ne se joue plus à Camden mais à Saint Per’ !! Bien sûr, il n’y a pas que du Punk, l’ouverture d’esprit est un credo au bistrot : rock, hardcore, electro rock, electro punk, percu africaines… Bref, c’est la culture du Caf’ Conc’, permettant à des artistes semi-pros ou amateurs d’effectuer leurs premières armes. Par ailleurs, de très beaux faits ont eu lieu : rien de moins que Mass Hysteria, Burning Heads, Tagada Jones et Les Ramoneurs de Menhirs ont tiré la bourre et fait trembler la terre de Brocéliande !! Cet enfant des Bérurier, fan des Brassens not Dead évoque sa passion pour la fin des eighties, et quand on évoque des difficultés… Quelques-unes apparaissent : l’interdiction de fumer dans les bars « Les gens passent leur temps dehors pendant les concerts » . Patrick relate une citation d’un de ses clients d’un soir « Punks à chiens ? Au final, on joue que pour les chiens ». Un comble ! Et « l’electro qui a tout bouleversé » les raves ont entravé la marche des Cafs’ Conc’ de par le fait d’investir de grands sites pour pas un sou. Cependant, Patrick détone car peu de nostalgie transparaît : des souvenirs mais la volonté du présent reste intacte. Les projets sont là et il n’est jamais avide de propositions de live tant que cela reste… authentique. En cela, c’est peut-être ça un punk en 2012. Finalement ni original, ni dérangeant, c’est juste une parfaite synthèse entre un esprit local et un patron de bistro qui a souhaité faire vivre et partager sa passion tout en demeurant les pieds sur terre. Une belle histoire qui est loin d’être finie. Car le 2 juin dernier, la Fontaine de Brocéliande a fêté ses 20 ans. Peu de Caf’ Conc’ atteignent le bel âge ! La page que connaît actuellement le centre-ville rennais et la pression exercée sur les bars concerts (sécurité, acoustique) le prouve. Elle oblige les bars de la ville à restreindre son et scène : le Sambre , le Barock, le Gazoline… À qui le tour ? Il est bon de respirer l’air de Saint-Péran : un esprit populaire à l’écoute d’un bon Burning Heads tout en sirotant un petit verre qui sent bon l’anis. D’ailleurs, ne serait-ce pas là le mot à bannir par la ville de Rennes actuellement : populaire… pardon, je m’égare, c’est mon troisième jaune.
Benjamin Vannier
RETOUR CHEZ PATRICK : Interview « si je te dis… » (mars 2018)
1 – Les Ramoneurs de Menhirs ?
Je réponds 5 fois : le nombre de fois où ils ont joué à la Fontaine.
2 – Bérurier Noir ?
Laurent et François, les deux leaders des Béru. J’ai jamais rencontré François mais j’aimerais bien… Je les ai vus en concert deux fois, à Rennes. Des bons souvenirs !
3 – Les 25 ans de la Fontaine ?
Il y a 1 an : il y avait 4 groupes qui jouaient pour l’occasion. Ah, ça fait un quart de siècle de Rock’n Roll ! J’ai apporté ma petite pierre à l’édifice du rock breton.
4 – Metal ?
Soirées metal. Et, style de musique que j’apprécie.
5 – Punk ?
Je peux pas dire pareil ? (rire). Des gens bien, malgré les apparences et… beaucoup d’amis dans le milieu.
6 – Cassettes ?
Ah ! Qu’est-ce que je peux dire comme blague ? Souvenirs, démo, découvertes… Je les recevais par courrier, le CD n’est arrivé qu’en 95-96. Maintenant, tout passe par Internet. Les mails, j’aime pas, c’est comme si une cassette tombait du ciel : il n’y a pas d’info, pas de numéro de téléphone, pas de références. Facebook, j’aime bien : c’est plus facile, on arrive directement sur la page des groupes avec toues les infos. Il y a aussi le téléphone mais bon, il sonne pas toujours au bon moment. Ici c’est comme un restaurant, il ne faut pas appeler au moment où il y a le plus de clients : entre 18h00 et 20h00, c’est l’heure de l’apéro, je suis en plein boulot.
7 – Canal Bus ?
« La Breizhicale ! » Les gens d’Action Discrète. Canal Bus, ils m’ont appelé pour venir faire une parodie de concert. C’était un lundi soir, je leur ai dit « bon d’accord » mais il fallait que je trouve 40 personnes pour faire le public. Ils sont arrivés avec leur fourgon et sont repartis à l’hôtel pour se préparer mais bon, y’a des gens qui les avaient déjà reconnus. Le tournage s’est passé en deux prises : ça devait pas dépasser deux minutes à l’écran. Ils sont restés longtemps, avec nous, après le tournage. Ils ont payé d’avance une somme au bar et au food truck venu pour l’occasion, et ils ont invité les gens. Tu sais quoi… (rire) Je l’ai dit au maire et il pensait que la commune serait valorisée. Quand c’est passé à la télé, il est venu me voir et il m’a dit : « c’est quoi ce truc ? C’est nul et en plus, on a rien vu de la commune ». Moi, j’étais mort de rire, je lui ai dit : « c’est drôle Maurice, c’est une parodie ». Mais non, il démordait pas ! Ça me rappelle, le tournage de Canal Bus à Carnac : si tu l’as pas vu, il faut le trouver sur Internet !
8 – Dans 10 ans ?
Alors, dans 10 ans, j’aurais 64 ans ? Moi-même, je sais pas trop… J’ai fait une carrière longue. J’ai commencé à travailler à 18 ans : à 60 ans, j’aurais tous les trimestres. Je pourrais m’arrêter là. Mais si je veux continuer, je continue. Oui, du coup, j’en serais à 36 ans d’ouverture pour la Fontaine !
Sur le Web :
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