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Des histoires qui se vivent

Le Jardin Moderne (mars 2021)

Le Jardin Moderne (mars 2021)

À Rennes, qu’ils soient amateurs ou professionnels, rares sont les musiciens qui n’ont jamais poussé les portes du Jardin Moderne. Un lieu devenu incontournable pour répéter, se former et échanger. Implanté entre la Vilaine et la zone industrielle de Lorient, le bâtiment porte la marque d’une mixité artistique. Tel un symbole de cette diversité, les murs passent entre les mains des graffeurs de la biennale Teenage Kicks en 2015. Mais après vingt-trois ans d’existence, comment l’association s’inscrit-elle dans le paysage local ? De quelle façon a-t-elle changé depuis ses débuts ?

L’histoire du Jardin Moderne commence en 1997 lors d’une réunion des Assises de la Culture à Rennes. De ce rendez-vous naît un constat clair : musiciens, musiciennes et membres d’associations doivent se rassembler pour remonter leurs difficultés. Ils créent alors une structure sous le nom de Collectif (qu’ils changeront pour le Jardin Moderne en 2007). Moins d’un an plus tard, ils obtiennent une solution de taille : la mairie leur propose la gestion des anciens laboratoires de Kodak. Loin du centre ville et des nuisances sonores, les membres de l’asso apportent ce qui manque aux groupes : un lieu de rencontre et des locaux de répétition. À partir de là, tout s’accélère. Pour installer durablement ce nouvel équipement, un premier directeur (Benoît Careil) est nommé et des salariés sont recrutés. La demande explose ! Les musiciens adhérents s’inscrivent en nombre et les services s’adaptent : au fur et à mesure des années, les studios passent de quatre à sept, des créneaux sont ouverts du mardi au dimanche, du matériel est aussi prêté et/ou proposé à la location… Un vrai coup de pouce pour ceux qui manquent d’espace et d’équipement. Oui, dès le départ, la Répétition est clairement une part cruciale des missions du Jardin Moderne… mais c’est loin d’être la seule. Le cœur du projet passe par l’échange et il ne sera pas limité à la musique.

Avec une galerie qui jouxte le bar et les salles de répétition, le Café est un carrefour, un passage obligé qui provoque les rencontres et pousse à la curiosité. Pendant leur pause, les musiciens et musiciennes se croisent et côtoient des œuvres graphiques : une façon de sensibiliser chacun à d’autres voies artistiques. L’équipe du Jardin Moderne se spécialise (médiation projets, accueil, animation répétition/bar, communication…) et met en place de nombreux événements dans cet espace devenu central. Parmi ces rendez-vous, on peut citer les vernissages, les concerts, les formations… des actions qui sont autant d’initiatives pour apprendre et faire du lien. Impulsé par la réouverture du studio d’enregistrement en 2015, le festival Spring Rec s’installe aussi chaque année, le temps d’un week-end. Un mini fest qui met en lumière une trentaine de Labels indépendants : un moment de rencontres non négligeable entre le public et les acteurs de la musique.

Au Jardin Moderne, il ne faut pas oublier la salle de concert. C’est d’ailleurs un des arguments que les membres fondateurs avaient remonté à leurs débuts : comme aujourd’hui, la pénurie de lieux pour le live et la mise à disposition aux actrices et aux acteurs locaux faisaient partie des revendications. D’une capacité de 250 personnes, la salle du Jardin permet de répondre aux demandes des associations, des professionnels et des groupes. Entre soirées, filages et formations, elle apporte de multiples possibilités. Avec la fermeture de la Cité (ce ne sera bientôt plus le cas) et des espaces comme l’Ubu, le 4Bis ou l’Étage, le Jardin Moderne offre des moyens complémentaires en terme d’encadrements techniques : une façon de lancer et de pérenniser les initiatives pour tou.te.s. Les concerts y sont nombreux… mais la position excentrée du Jardin Moderne freine parfois la venue du public. L’ajout d’un horaire tardif (à la ligne de bus 11) les vendredis et samedis est un avantage mais les passages en semaine restent encore trop insuffisants. Une réflexion est également en cours pour l’aménagement des berges côté Vilaine : la piste cyclable et/ou piétonne ouvrirait un nouvel accès plus proche de la ville.

Et en journée ? Le Jardin Moderne, c’est aussi un Centre Ressource. Un lieu ouvert avec un fonds documentaire (papier et numérique) et la possibilité de prendre rendez-vous pour des suivis de projets. Un animateur informe et accompagne chaque personne désireuse d’en savoir plus sur la législation et/ou de se lancer dans une nouvelle aventure. Là encore, le public est large : artistes, amateurs, organisateurs d’événements, professionnels actuels ou en devenirs des métiers du spectacle vivant… À partir de midi, le bar et le restaurant offrent également aux musiciens, aux salariés de la zone industrielle et à toute personne qui le souhaite de s’offrir une pause côté Café. Sur le temps méridien, le lieu s’ouvre à des gens d’horizons différents… et qui inévitablement vont se croiser.

Et dans les coulisses ? Il y a bien sûr les locaux techniques comme la cuisine, les réserves et les bureaux que les salariés partagent avec des associations locales. Parmi elles, des acteurs comme Mass Productions, 3Hit Combo, Patchrock ainsi qu’une graphiste indépendante. En 2010, le Jardin Moderne encadrait même l’hébergement d’une dizaine de structures dans l’ancienne école Kennedy. La définition autour d’un « cluster artistique » se dessine mais la distance entre les bâtiments rend la gestion difficile. L’histoire se termine le 31 décembre 2017 mais le projet pourrait renaître, sur un même site, à travers l’agrandissement des locaux actuels.

Dans les années 2000, le Jardin Moderne s’inscrivait comme le lieu des musiques actuelles : c’est toujours le cas… mais aujourd’hui, l’association se veut porteuse de projets, militante aussi. Elle s’engage auprès des intermittents, des cafés concerts, de la place des femmes dans la musique… Mais force est de constater que son travail auprès des musiciens et des musiciennes est la mission qui perdure depuis ses débuts. Les nouvelles technologies et l’accès simplifié à l’enregistrement auraient pu donner un coup de frein à la fréquentation mais il n’en est rien. Les groupes auront toujours besoin de se former et de lieux pour répéter. Avec 1020 adhérent.e.s (dont 402 groupes et artistes différent.e.s) et un planning qui ne désemplit pas, l’équipe du Jardin participe à maintenir une diversité culturelle dans le paysage local. Un espace qui met tout le monde à égalité : débutants, amateurs, professionnels, spectateurs… Mais voilà, avec la Covid, qu’en sera-t-il pour 2021 ? Et après ? Entrevoit-on seulement le bout du tunnel ? Oui, en ce moment, les temps sont durs. Pour la première fois en vingt-trois ans, le Jardin Moderne est obligé de fermer ses grilles à la plupart de ses pratiques… mais la pandémie et l’absence de culture en France n’étouffera pas ces initiatives. Dès qu’ils le pourront, les passionnés seront là pour faire vibrer guitares, basses, micros, batteries, claviers… On a hâte !

Caroline Vannier

Une partie de l’équipe du Jardin Moderne

Sur le web :
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