Le Superbowl of Hardcore (juillet 2020)
Moins de 48h. C’est la vitesse à laquelle l’équipe du Superbowl a vendu les billets de son dernier show. Un chiffre qui ferait rêver pas mal d’organisateurs ! Oui… et c’est loin d’être une première. En quelques années, Jo et Yvan ont su donner une véritable place à la scène Hardcore à Rennes. Pourtant, rien ne semblait gagné d’avance.
Dans la bonne vieille cité Bretonne, les associations et les groupes de Metal sont hyperactifs. Peu de salle mais une sérieuse envie de jouer et d’organiser. Mais comment ne pas perdre en visibilité ? Des concerts, il y en a toutes les semaines et les acteurs s’associent peu. Avec des partenariats quasi inexistants et une offre importante, le public se retrouve sur-sollicité et les soirées sold out se font rares… sauf pour le Hardcore.
Comme pour le Punk, les passionnés répondent présents. Des gens capables de faire des kilomètres pour voir des groupes locaux et internationaux. Aux habitués, s’ajoutent pas mal de férus de musique qui ne sont pas issus de cette scène. La raison ? La qualité des prestations live des groupes. Une bonne part d’entre eux apprennent là, devant le public et ça fait toute la différence. Le niveau, la présence, l’occupation de l’espace… Une aisance qui se joue à toutes les étapes…
Booking, enregistrement, orga, com’… Beaucoup de musiciens de Hardcore l’ont compris : pour rester libre, il faut savoir se débrouiller. Et ils sont un certain nombre à tout gérer ! Du Do it Yourself qui prend ses racines dans le Punk et qui permet de conserver une éthique dans un paysage musical souvent trop formaté. En plus d’être aux commandes des soirées, Jo et Yvan sont respectivement guitaristes chez Entertain the Terror – pour le premier – et Hard Mind – pour le second –, ils ont aussi officiés (ensemble ou séparément) dans des formations comme Ultimhate ou Hand of Blood. Musiciens, ils le sont depuis un paquet d’années ! Mais qu’est-ce qui a provoqué le déclic côté orga ? « Les premiers concerts, c’était en 2002-2003 » précise Jo. « À Rennes, je traînais pas mal dans les shows Hardcore fin 90′ dans des lieux comme les Tontons Flingueurs, l’Antipode et la Pyramide… Certains de ces lieux ont fermé et l’asso qui organisait le Superbowl (avant nous) s’est arrêtée. Le public n’était plus là. On l’a regagné au fur et à mesure ». « Oui, on est passé par mon oncle qui connaissait les fondateurs du Superbowl (dans les années 90) » enchaîne Yvan. « On leur a demandé si on pouvait reprendre le nom et ils nous ont tout de suite encouragé. La première édition s’est montée avec des groupes qu’on connaissait.» La première édition ! 600 personnes à l’Antipode en 2014 : Merauder, Get the Shot, Backfire, Born from Pain… Dix groupes au total. « On a le record des ventes de bières en une soirée », clame Jo.
Sous les associations Face to Face et Kob, Jonathan Guyot et Yvan Travers proposent des rendez-vous réguliers comme le Summerbowl au Jardin Moderne, le Superbowl et les Minibowl qui prennent place dans des caf’con’ de la ville (Ty Anna Tavarn, Mondo Bizarro, Marquis de Sade…). Ils font presque tout à deux : « on s’occupe de la gestion et de la programmation mais on a pas mal de monde qui gère sur place, pendant les concerts. » Ici et là, on retient des prénoms comme Mégane qui est souvent aux entrées ou encore Mathieu qui s’occupe de la comptabilité. « Il y a aussi pas mal de boulot au catering. C’est Ben qui s’en charge quand il est dispo ou Mika qui encadre la partie bouffe », précisent les deux musiciens. Et ça tourne ! Depuis 2004, ils ont fait jouer près de 700 groupes. Des formations Hardcore de tout horizon avec quelques exceptions : « on a fait de tout. Du rap, du folk… Et on ne regrette rien ». Et leur plus grosse fierté ? « Oh, là ! Pas simple, il y en a tellement ! Je dirai All out war… Extreme Noise Terror et Harm’s Way » précise Jo. « All out war, c’est sûr ! Et sinon, Stormcore et Bent Life » poursuit Yvan.
Avec une telle prog, on pourrait croire que l’asso touche des aides… mais non, et tout est géré 100 % bénévolement. Hormis la vente des billets et les dons du public, ils ne reçoivent rien. Si la trésorerie manque, ils mettent de leur poche mais pour eux, pas question de troquer leur indépendance : « on ne se voit pas critiquer le système et toucher de l’argent. On a aucune subvention et on ne cherche pas à en avoir. Après, on organise dans des salles qui sont subventionnées comme le Jardin Moderne, on l’est donc forcément indirectement mais on veut l’être le moins possible ».
Des potes qui se connaissent depuis un moment, une passion qui ne s’érode pas avec le temps et une envie de défendre une scène libre et honnête… On pourrait s’arrêter là mais c’est sans compter l’actualité ! La culture est ébranlée depuis mars 2020 et personne ne peut dire ce qui va se passer dans les mois à venir. L’épidémie de la Covid19 a tout éteint et les quelques concerts qui ont lieu se font en jauge très restreinte et avec port du masque obligatoire. Exit les live tel qu’on les connaît ! « On a annulé quatre concerts. On organise une soirée en juillet au Mondo (l’argent sera reversé au bar) mais toutes les places sont déjà vendues. On a repoussé pas mal à l’année prochaine ! 2020 sera tranquille, on en a profité pour booker la prog du Superbowl qui aura lieu le 2 et 3 juillet 2021 au Jardin Moderne. Après c’est sûr, il va y avoir un impact de fou pour tout le monde dans le milieu : les tourneurs, les intermittents, les musiciens… » explique Jo. Yvan, secoue la tête et ajoute : « c’est n’importe quoi ! Je ne comprends pas les lois du gouvernement. Ils veulent bien que les gens se massent dans le métro pour aller bosser mais on ne peut pas se retrouver dans les concerts.»
Oui, le contexte est hors norme mais le spectacle vivant compte de belles forces qui ne laisseront pas le live tomber aux oubliettes. Pour sûr, ces deux-là n’abandonneront pas ! Et ils savant qui remercier pour ça : « respect à Fred Chouesne de Garmonbozia et David Mancilla. Merci à eux. Ce sont des modèles d’humilité pour nous. Tu sais, j’ai assisté au premier concert de Fred, c’était son projet de BTS. Il m’a aussi fait jouer quand je démarrai mon groupe. C’était à la MJC Pyramide et je crois même que c’est là que j’ai rencontré Bruno (Mondo Bizarro) qui faisait le son. » Le mot de la fin ? « Continuer à jouer dans des groupes, faire des concerts, monter des asso… Ne rien lâcher. Et merci aux gens comme toi qui continuent de faire des fanzines et des interviews. »
Caroline Vannier
Sur le Web :
https://www.facebook.com/superbowlofhardcore
https://www.facebook.com/facetofaceshows
https://www.facebook.com/assokob.prod
https://www.facebook.com/hardmindhxc
https://www.facebook.com/entertaintheterror