Les Tambours du Bronx et Reuno en mode WOMP
Découvrir les coulisses d’un concert, c’est comme braver un interdit. On ne sait pas trop si on a le droit d’être là, alors on se fait tout petit pour ne pas gêner… et on profite du moment. Mais comment retranscrire sur papier ce qui se passe en backstage ? Quels éléments retenir pour écrire un article ?
Traiter l’aspect technique peut se révéler compliqué. Le matériel, les balances, la sonorisation… Pour s’atteler au sujet, il faut s’y connaître et être capable de vulgariser ses propos. Ce n’est pas à la portée de tout le monde… Reste l’ambiance. Traduire l’atmosphère avant un show est sans doute la meilleure approche. Mais là encore, ce n’est pas si simple… Raconter cet instant de flottement avant l’arrivée sur scène est hasardeux. Rendre compte de l’état d’esprit des musiciens, savoir ce qui les pousse à se dépasser soir après soir… Rien de cela n’est visible de l’extérieur. Tout se passe à l’intérieur du groupe et le badaud est bien incapable d’interpréter quoi que ce soit. Pour ne pas commettre d’impairs, la meilleure solution reste l’échange. L’interview est inévitable…. mais encore faut-il l’obtenir…
Les Tambours du Bronx ont accepté de se prêter à l’exercice lors de leur passage à Rennes. Présents depuis plus de trente ans sur la scène française et internationale, ces percussionnistes urbains se sont fait un nom. Véritables orfèvres, ils orchestrent des show à l’énergie brute. Des cogneurs, qui une fois lancés, ne lâchent rien ! Pour faire vibrer les bidons, pas moyen de tricher : le geste est ample, le visage est expressif… Ils mettent du cœur à l’ouvrage sans jamais faiblir. Une recette imparable qui rend leur jeu unique. Ce vendredi 5 avril, vers 18h30, ils terminent les balances. De nouveaux instruments trônent parmi les bidons : guitare, basse, batterie… Les Tambours du Bronx sont en mode WOMP : un projet Metal qu’ils portent depuis l’été 2018. Sorti le 19 octobre, l’album aux accents Indus prend toute son ampleur en Live : un son puissant couplé à une musique efficace. À aucun moment, la rage n’est contenue : au contraire, elle est portée par des textes engagés qui répondent comme un écho à l’énergie des bidons. En ces temps où la prise de risque se raréfie, l’approche est audacieuse ! Une véritable bouffée de créativité qui prouve que se réinventer a du bon. À moins de deux heures de l’ouverture des portes, certains musiciens peaufinent leurs réglages, d’autres se posent dans les loges… Pas mal d’allers et retours dans les couloirs : le batteur Franky Costanza – Dagoba, Blazing War Machine –, s’arrête pour saluer et discuter avec les gens de passage. Une partie des membres du groupe Flayed – qui assurent la première partie – font de même. La horde n’est pas encore lâchée mais elle est déjà dans l’ambiance du concert de ce soir. Quatre d’entre eux ont accepté de répondre à une dizaine de questions : Dom – qui passe à la guitare sur WOMP –, Will – aux Tambours – M’sieur Reuno au chant – Lofofora, Mudweiser, Madame Robert – et un invité surprise, Luc – aux Tambours –. Installés sur des flight-cases, l’interview commence en haut des escaliers du Liberté. Juste avant l’arrivée du public, l’instant semble assez irréaliste… et il l’est. Une parenthèse d’une trentaine de minutes avant l’effervescence.
1 – Comment se vit un partage de scène avec Sepultura ? Travailler avec eux a-t-il été l’élément déclencheur pour faire un album Metal ?
Dom : être sur scène avec eux, c’est une énorme claque. Sepultura, c’est violent mais Les Tambours aussi, alors les deux ensemble… Sur scène, on ressent vraiment toute cette grosse énergie. C’est quelque chose ! On a fait pas mal de dates avec eux, que des gros festivals.
Will : on a joué en Allemagne, au Portugal, au Brésil, à New-York…
Dom : ouais, et c’est vrai qu’en réfléchissant à un nouveau spectacle, on s’est dit pourquoi pas Metal ?
2 – Les Tambours, Reuno (Lofofora), Franky Costanza (Blazing War Machine, Dagoba), Stéphane Buriez (Loudblast)… Je ne les cite pas tous mais il y a du beau monde. Qui a eu l’idée de réunir tous ces excellents musiciens ?
Dom : Tout est parti d’une blague… Il y a quelques années, on avait dit à Franky « si tu t’emmerdes chez Dagoba, viens avec nous. » On s’est retrouvés plus tard et une fois qu’il a accepté le projet, on a contacté Reuno qui a proposé à Stéphane Buriez de nous rejoindre.
Reuno : je leur ai dit que j’étais pas dispo mais que je me débrouillerai pour l’être. J’avais envie de leur écrire des chansons, de bosser avec eux… Si j’avais refusé, je l’aurais regretté. Mais avec mes autres projets, je savais que je ne pourrai pas assurer toutes les dates, j’ai donc proposé un binôme avec Stéphane Buriez (Loudblast). Renato (Trepalium, Flayed) nous a rejoint aussi tout récemment au chant. Il sera d’ailleurs là ce soir.
3 – Les compos de l’album regorgent d’influences différentes. Un mélange qui sonne Metal, Punk, Rock et même Indus. Qui a posé les premiers jalons des compositions ? Comment s’est organisée cette phase de création ?
Dom : chez les Tambours, on écoute de tout. Niveau âge, le plus jeune a 25 ans et le plus vieux 60 ans. On représente tous des générations différentes et on se nourrit des influences de chacun. Pour ce projet, on est quelques Tambours à être passés à la guitare. On a commencé à composer de notre côté et les textes ont suivi avec Reuno et Stéphane.
4 – Voix, basse, guitare, batterie et pas mal de tambours… En studio, comment on obtient ce son limpide et puissant à la fois ?
Dom : on a tout bossé à la maison, dans notre propre studio. À force, on commence à avoir l’habitude d’enregistrer les bidons, on cherche à garder l’énergie même si on sait que ça ne sera jamais comme sur scène. Le mixage a aussi était très important, on a travaillé avec Hk Krauss (Vamacara Studio).
Reuno : avec Buriez, on a couché toutes les voix en deux jours. Tout s’est fait très simplement.
5 – Comment travaillez-vous avec Franky Costanza ? Face à une telle masse rythmique, est-ce à la batterie de s’adapter ?
Will et Dom : oui, clairement.
Dom : il s’est beaucoup remis en question. Il a su s’adapter, jouer avec les bidons en simplifiant son jeu. Il ne charge pas son jeu, n’en fait jamais trop… Il s’est parfaitement intégré aux Tambours.
Reuno : son jeu groove vraiment sur cet album.
6 – Reuno, comme dans Lofo, les textes percutes. Des mots engagés mais toujours emprunts de poésie. La société t’inspire mais as-tu des noms d’auteurs et/ou de musiciens qui t’ont aidé à façonner ton écriture ?
Reuno : je suis un peu old school… Le Professeur Chauron, Jean-Yann, Coluche… Claude Nougaro aussi. C’est un mec qui arrivait à faire des textes très percutants, le son des mots compte chez lui.
7 – Reuno, même dans tes reprises, l’interprétation est habitée. La force des textes est-elle le secret ?
Reuno : il faut le jouer à fond. Le studio, c’est comme le cinéma mais la scène, c’est comme le théâtre. Les gens doivent comprendre tout de suite l’interprétation.
8 – Au Motocultor, vous avez fait une prestation qui a scotché tout le monde. À aucun moment l’énergie n’était contenue. Derrière les fûts, Franky parle de « horde » et vu du public, c’est clair que la horde est bien là. Est-ce que vous abordez vos presta sur les plus petites scènes de la même façon ?
Dom : peu importe la scène. C’est la marque des Tambours ! On ne peut pas se freiner. L’identité des Tambours, c’est le côté horde. On ne fait qu’un avec le bidon.
Reuno : se freiner, ça serait comme courir au ralenti.
Luc : il faut penser puissance. Toujours.
Will : tu ne sais jamais comment va terminer le concert. On est épuisés mais on continu, on se soutient les uns, les autres.
9 – Vous êtes des musiciens libres. Garder son indépendance passe-t-il par une part de Do it yourself ?
Dom : oui et non. Il y a forcément un peu de DIY, c’est le secret de notre longévité et c’est vrai qu’on a pas mal gardé le contrôle même si on est entouré de professionnels. Mais je te dirai qu’aujourd’hui c’est de plus en plus compliqué d’être seuls.
10 – Se réinventer, un adage qui vous correspond ? Pouvez-vous nous parler de vos projets parallèles ?
Reuno : plus je vieillis, plus j’ai envie de créer. Le Rock est bien pour ça, c’est pas une musique confortable, ça nous pousse à aller vers de nouveaux challenges et artistiquement, ça me remplit. Le projet des Tambours me plaît mais j’ai aussi mon groupe de stoner Mudweiser (il montre son T-shirt). Je prépare aussi les textes du 11ème album de Lofofora. Et plus récemment, il y a Madame Robert.
Dom : on a toujours notre spectacle classique. On est en train de le revisiter : on revient avec un son plus percussion, toujours avec Franky mais avec un stand percu-électro cette fois. On a aussi un autre projet avec Will.
Will : je suis aussi batteur dans un groupe avec Dom mais là, on a pas le temps de bosser dessus. On espère y revenir dès qu’on pourra.
Dom : on travaille avec Apolline. C’est elle qui est au chant sur l’album pour la reprise de Prodigy.
11 – Un combat/un engagement qui vous semble prioritaire aujourd’hui ?
Reuno : l’environnement. Que les gens se responsabilisent et qu’ils arrêtent d’acheter de la merde. On a tous des enfants, il faut penser à la planète qu’on leur laissera. C’est la priorité.
12 – Deux noms de groupes et/ou de musiciens que vous écoutez toujours ?
Dom : oh, c’est compliqué comme question. Il y en a trop ! Là en ce moment, s’il faut t’en donner un, je dirai Prong mais j’écoute vraiment plein d’autres groupes. J’aime aussi beaucoup le Crossover mais on a une culture musicale très variée chez les Tambours, alors je pourrai te citer plein de styles et de références.