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Des histoires qui se vivent

Louis Carrese, 5 ans de présidence au Jardin Moderne (décembre 2021)

Louis Carrese, 5 ans de présidence au Jardin Moderne (décembre 2021)

Quand on lui parle des années passées à la présidence du Jardin Moderne, Louis hausse les épaules et avoue : « je ne sais pas, je n’ai pas compté ». Occupé, il l’a été. Investi, c’est indéniable ! Passage à une codirection, changement de régisseur, projet égalité des genres… Il en a suivi des dossiers mais à quelle place exactement ? En quoi consiste le rôle d’un président ?

Le Jardin Moderne est une association de loi 1901 composée d’un comité d’administration (CA) et d’un bureau. Les membres élus sont bénévoles et se retrouvent au minimum une fois tous les mois et demi. Ils font partie d’un maillage démocratique qui nécessite la validation de certaines orientations impulsées par les salariés de la structure. Ils écoutent, débattent, s’informent, votent et participent : « il y a des réunions, des groupes de travail, des veilles guidées (actualités, informations, mails)… », explique Louis tout en précisant que « ça reste une activité bénévole. ». Certes, le temps d’engagement diffère selon les postes et les envies de chacun… mais le ou la président(e) est forcément plus sollicité(e) que les autres : « on endosse un rôle d’employeur. J’ai participé à la mise en place de la codirection et à des recrutements. Pour les urgences comme les crises RH au début du confinement en 2020. Là aussi, il y a forcément un investissement ». Mais ce n’est pas tout…. il y a également l’image, celle d’une position plus exposée qui devient quasi politique : « il y a deux aspects. Une partie est plutôt dirigée vers l’intérieur et là, c’est plus une figure de confiance pour les bénévoles et les salariés. Et l’autre qui est tournée vers l’extérieur avec une vie sociale qui change un peu. On devient une figure du Jardin à l’extérieur, un personnage public. » Les prises de parole « font aussi partie du job » lors des moments forts comme les assemblées générales : « ça s’apprend sur le tas mais j’ai un peu l’habitude de tenir des réunions au boulot. Ça aide. » D’accord, ça c’est pour l’aspect pratique… mais qu’en est-il de la personne ? Qu’est-ce qui a mené Louis Carrese à la présidence ?

« Je suis parti de Paris qui me faisait chier. Quand je suis arrivé à Rennes, j’ai gardé le même boulot mais je me suis rendu compte qu’il faisait chier aussi. Je voulais faire autre chose à côté et c’est comme ça que je suis rentré comme bénévole au Jardin », une explication simple, cash et précise… et la suite qui coule presque de source… Après un an de CA, Louis devient vice-président puis président : « c‘est avec Hélène – présidente de 2010 à 2016 – que j’ai commencé à en discuter. Elle cherchait quelqu’un pour prendre sa suite. Je suis arrivé à un moment où il y avait besoin de renouvellement dans la gouvernance associative. Il y avait aussi une envie de changement, de remettre de l’élan dans tout ça. Les gens me connaissaient déjà au Jardin, je faisais beaucoup de soirée en tant que bénévole. » Et d’ailleurs, faut-il être dans le milieu pour assurer cette fonction ? Niveau professionnel, Louis est assez éloigné du monde de la culture. Il est freelance dans l’informatique : « je produis des logiciel », précise-t-il. Il lui arrive de collaborer avec des acteurs locaux comme Canal B pour qui il a réalisé le site Internet avec Marc Blanchard au graphisme . Il a aussi dépanné et donner des conseils en informatique (bénévolement) aux salariés du Jardin. Précédemment, il a également évoqué une prise de parole facilité par son travail… mais les liens s’arrêtent là. Pourtant… il a très vite pris ses marques à la présidence. Un paradoxe ? En quelque sorte… C’est peut-être justement ce qui explique cette expérience réussie : venir de l’extérieur permet d’avoir le recul nécessaire pour écouter, comprendre, soutenir et apporter un autre œil sur la structure. Oui… mais ça, c’est sans compter la passion ! Au-delà d’un lieu associatif, le Jardin Moderne est un terreau pour les musiciens… et c’est une des raisons pour laquelle Louis en a franchi les portes.

Louis est venu au Jardin pour les concerts mais aussi pour répéter. Il est musicien depuis l’enfance. À l’âge de 10 ans, il apprend à jouer du saxophone : « je viens d’une famille de musiciens. Quand je suis parti de Marseille pour Paris, c’était plus compliqué de faire du saxo. Je me suis mis à la MAO, au clavier… et j’ai récupéré une basse. J’adore quand un instrument groove mais c’est aussi plus facile de trouver un groupe quand on est bassiste que saxophoniste. » Tout le monde n’est pas obligé de toucher à un instrument pour en parler mais il y a parfois des détails qui ne trompent pas. Louis sait profiter des concerts mais il a vrai regard sur ceux qu’il écoute : « j’aime comprendre la démarche de création. Quand je vais voir un groupe, c’est ça que je cherche à repérer. Peu importe le style. » Quand on le lance sur le sujet, il peut citer une dizaine de références. Des artistes vus en live… ou bien des albums piochés au hasard des rayonnages : « Peter KernelI’ll die rich at your funeral White death and black heart (2011), c’est eux qui m’ont mis dans les musiques plus « rock », c’est du coup avec eux que j’ai commencé à comprendre la prog d’assos comme KFuel et que je suis rentré dans le circuit des caf’conc’ à Rennes. GabléTropicoolJolly trouble (2016), ils représentent assez exactement la phrase « on peut être sérieux dans la déconne ». GRP All-starThe sidewinderGRP All-star big band (1992),  j’ai grandi dans un milieu de jazz qui groove et que ça a le goût d’une madeleine (fourrée à la confiture (avec supplément chantilly)). HausmeisterPumerHausmeister (2000), parce que c’est du bricolage de blips et de blops et que ça fonctionne, et parce que c’est ma pépite des disques empruntés au hasard dans les médiathèques. Joao BoscoDois mil e indioGagabiro (1984) parce qu’on entend rarement un sourire aussi distinctement sur un enregistrement. »

Six… presque sept ans passés au comité d’administration… et cinq à la présidence. En mai 2022, Louis quittera ses fonctions lors de la prochaine assemblée générale. Le président – redevenu simple élu au CA – a laissé son siège à Marilyn Berthelot en juin 2021 mais il part serein avec des souvenirs plein la tête. Il est clair que Louis Carrese laissera une empreinte de son passage. Oui, une empreinte… mais il ne faut pas trop lui répéter. Pour lui, l’engagement associatif respire l’abnégation : « le Jardin, c’est un renouvellement permanent et je pense que c’est là-dessus qu’il faut continuer à travailler. » Serait-ce là le vrai sens de la démocratie ?

Caroline Vannier

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